LE PARCOURS
Les treize mois du Front populaire
Le point de départ de la grande aventure de la gauche des années 1930 est d’extrême-droite. Le 6 février 1934, la manifestation violente des ligues nationalistes menace la République. Lors des contre-manifestations des jours qui suivent, on voit les premières tentatives d’approche entre communistes et militants de la SFIO, le parti socialiste d’alors. Un miracle. Depuis la grande scission du congrès de Tours (1920), les premiers, suivant la ligne imposée par Moscou, menaient une guerre féroce aux « sociaux traîtres ». En Allemagne, cette stratégie a fait des ravages, elle est l'un des facteurs qui ont permis à Hitler de prendre le pouvoir. A l’été 1934, Staline impose aux communistes de « tendre la main » aux frères ennemis d’hier. En 1935, le parti radical d’Edouard Herriot, aiguillonné par les « jeunes turcs » qui forment son aile gauche, se laisse séduire à son tour par une alliance. Les trois partis forment une coalition électorale. Fondée sur l’antifascisme et la promesse de sortir le pays de la crise, elle affiche un slogan, « La paix, le pain, la liberté », et porte un nom qui claque : « le Front populaire ». Au deuxième tour des législatives, le 3 mai 1936, grâce à un excellent report des voix entre les alliés, il fait un triomphe. Léon Blum, chef de la SFIO, parti qui a obtenu le plus grand nombre de sièges, est nommé président du Conseil. Il forme un gouvernement avec les radicaux. Les communistes « soutiennent », mais ne participent pas. C’est le début de l’aventure. Elle va vite. Partout éclatent des grèves spontanées qui ont pour but de dynamiser l’action du nouveau pouvoir. En trois mois, il abat un travail considérable. De grandes réformes sociales : les 40 heures de travail, les deux semaines de congés payés, les Accords de Matignon qui prévoient une reconnaissance du droit syndical et des augmentations de salaire. Des réformes de structure : création de l’office du blé pour soutenir les cours agricoles ; réforme de la Banque de France. La France vit son bel été, celui des premières vacances, du tandem, des premières auberges de jeunesse. Il ne dure guère. En juillet 1936, le coup d’Etat de Franco a lancé la guerre d’Espagne, première pomme de discorde entre les coalisés. Les communistes veulent une intervention armée auprès des républicains de Madrid. Blum en rêve. Les radicaux n’en veulent à aucun prix. A l’automne, surviennent les premières déconvenues économiques : l’inflation, puis la dévaluation du franc mangent déjà les augmentations de salaires de juin. La presse de droite poursuit ses campagnes haineuses. La pire est celle qui vise Roger Salengro, ministre de l’Intérieur, accusé à tort de lâcheté pendant la Grande Guerre. Brisé par la calomnie, il se suicide en novembre 1936. Le pouvoir s’essouffle, le climat se tend. En février 1937, Blum réclame une « pause » dans les réformes. En mars, à Clichy, des manifestants d’extrême gauche veulent bloquer un meeting fasciste. La police charge. 5 morts. L’image de la gauche est à terre. En juin, voulant assainir la politique monétaire, le président du Conseil réclame au parlement de pouvoir gouverner par décrets-lois. Le Sénat refuse. Blum démissionne. Le pâle Camille Chautemps le remplace. En mars 1938, le héros de 1936 tente un retour : face au péril hitlérien, il veut former un gouvernement d’unité nationale. Le parti radical refuse et retourne à ses alliances à droite. Fin du front populaire.