UN TOUR DE MOULIN
Comme le vin et le café, le poivre a ses terroirs, ses crus et ses arômes. Depuis peu, il est même protégé des imitations par une AOP —
Après le champagne, le parmesan, le lonzo corse ou encore le darjeeling, le poivre de Kampot vient d’obtenir de l’Union européenne le précieux label appellation d’origine protégée. Ce petit grain, décrit par Olivier Roellinger, le spécialiste des épices, comme « un poivre ayant le goût de la mer et de la pluie, délicat et intense, avec des notes d’eucalyptus et de menthe », est cultivé au Cambodge entre le golfe du Siam et les montagnes de l’Eléphant. Très réputé depuis l’époque des rois d’Angkor, il a pourtant bien failli disparaître pendant le règne des Khmers rouges.
Le poivre est l’épice la plus consommée au monde : sa production s’élève à plus de 300 000 tonnes par an. Avant de devenir un produit courant, le grain, paré de vertus aphrodisiaques, était très recherché. « Vasco de Gama, Magellan et Christophe Colomb risquèrent leur vie et rivalisèrent d’audace pour trouver les voies maritimes conduisant à la chère épice, vendue à prix d’or », raconte le passionné chasseur de poivre, Gérard Vives, du Comptoir des Poivres.
Cette baie, qui pousse en grappes sur une liane, est appréciée selon quatre degrés de vieillissement. Le vert, récolté avant maturité, est frais et citronné ; le noir, cueilli plus tard, juste avant maturité, et séché, est plus puissant ; le rouge, ramassé à complète maturité, au goût toasté, peut même assaisonner des desserts. Enfin, le blanc est une baie mûre débarrassée de sa pulpe, à la saveur moins piquante mais plus délicate.
Outre le Kampot rouge du Cambodge, au nez de caramel et de vanille, idéal pour les desserts, les fondus de la petite graine ne jurent que par celui de Voatsiperifery de Madagascar pour la viande rouge et par le noir de Sarawak, de Malaisie, pour les poissons gras, tandis que le blanc de Penja, au Cameroun, enchante les plats gastronomiques par sa finesse. Bien entendu, il s’achète en grains afin de le moudre au dernier moment, et s’ajoute en toute fin de cuisson, pour préserver les arômes de la chaleur.