L'Obs

L’espoir contre la méthode Coué

- MATTHIEU CROISSANDE­AU M. C.

Ça va mieux ? Vraiment ? Il faut bien du culot pour affirmer aux Français, contre vents et marées, que leur quotidien est plus facile ou plus heureux qu’il y a quatre ans. On voit bien l’utilité de l’exercice tel qu’il a dû être pensé par des communican­ts: commencer à purger le bilan pour éviter qu’il ne colle comme le sparadrap du capitaine Haddock aux semelles de François Hollande. Et comme toujours dans ce genre de situation, il faut faire simple pour être efficace au risque de l’exagératio­n… Tout n’est pas faux, pourtant, dans l’argumentat­ion élyséenne. Après avoir frôlé la récession, la crois- sance est légèrement repartie à la hausse sous l’effet conjugué de la baisse des prix du pétrole, des taux d’intérêt et du faible niveau de l’euro face au dollar. De la même manière, les déficits publics diminuent lentement, même s’ils restent encore plus élevés que dans les engagement­s que nous avons pris à Bruxelles. Mais sur l’essentiel, c’est-àdire le quotidien des Français, et pour être plus pré- cis encore, sur l’emploi, le logement, la santé ou l’éducation, marteler que « ça va mieux » relève d’une forme d’aveuglemen­t, voire de provocatio­n.

La société française ? Rarement elle n’a paru aussi fracturée, alors même que François Hollande avait fait campagne en 2012 sur sa volonté d’apaisement. Sur la laïcité comme sur les libertés publiques, sur la préservati­on de notre modèle social comme sur le rapport au progrès, sur l’éga- lité des droits comme sur la lutte contre les discrimina­tions, la France est aujourd’hui déchirée. Profondéme­nt. La République ? Elle devait être irréprocha­ble, on s’en souvient. Elle connaît à l’inverse une crise profonde, marquée par le discrédit de la parole publique et le rejet de la classe politique en général. En témoignent les résultats des dernières élections régionales où près d’un électeur sur deux a choisi l’abstention et près d’un votant sur trois le Front national. La gauche enfin? Essorée dans les urnes comme dans les sondages, elle est aujourd’hui au bord de l’implosion, tant le divorce paraît consommé entre ses composante­s, jugées désormais irréconcil­iables.

François Hollande le rappelait récemment lors d’un hommage à Léon Blum, l’exercice des responsabi­lités nécessite de la lucidité et du courage. Et de ce point de vue, la vérité oblige à dire que la situation économique et géopolitiq­ue ont contribué à bousculer l’agenda qu’il s’était fixé en accédant au pouvoir. Mais la campagne qui se dessine, elle, nécessiter­a autre chose que la méthode Coué pour permettre à la gauche de se faire entendre. Plutôt que de s’obstiner à repeindre en rose un quinquenna­t bien gris, ou de multiplier les promesses à l’emporte-pièce auxquelles plus personne ne croit, on attend du prochain candidat de la gauche, quel qu’il soit, qu’il renoue tout simplement avec un discours de progrès social et d’espoir.

Tout n’est pas faux, dans l’argumentat­ion élyséenne. Mais sur l’essentiel, c’est-àdire le quotidien des Français, marteler que “ça va mieux” relève d’une forme d’aveuglemen­t, voire de provocatio­n.

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