L'Obs

Il y a le feu à la maison Europe

-

L’heure de vérité approche à grands pas pour l’Europe. La crise grecque et les politiques d’austérité, l’afflux de réfugiés et de migrants sur le continent européen, les attentats terroriste­s ont été autant de révélateur­s des faiblesses et des contradict­ions de l’Union européenne ; autant de raisons de désespérer pour ceux qui ne voient pas d’issue dans le repli national. La montée en puissance de partis populistes d’extrême droite, en Autriche et ailleurs, et l’incertitud­e que fait planer le prochain référendum britanniqu­e sur la sortie de l’Union européenne ajoutent au sentiment de délitement de l’édifice patiemment construit depuis la Seconde Guerre mondiale.

L’élection présidenti­elle autrichien­ne, en éliminant au premier tour les candidats des deux partis, social-démocrate et conservate­ur et en plaçant en tête le candidat du parti d’extrême droite – allié du Front national au sein du Parlement européen – n’est que le dernier clignotant à s’allumer sur la carte de l’Europe. La Pologne et, avant elle, la Hongrie avaient déjà fait des choix politiques, ce que le président hongrois, Viktor Orbán, nomme sans fard la « démocratie illibérale », un oxymore qui, visiblemen­t, n’en est plus un aux yeux de nombreux Européens. Les partisans des barbelés aux frontières sont de plus en plus nombreux.

Le 23 juin, ce sera au tour des électeurs du Royaume-Uni de se prononcer par référendum sur le maintien de leur pays au sein de l’Union européenne. Un scrutin à l’issue incertaine qui coupe le pays en deux et provoque un débat acharné qui n’est pas sans rappeler la campagne du référendum constituti­onnel de 2005 en France. Le « coup » politique qu’avait cru faire le Premier ministre conservate­ur David Cameron, confronté à la montée d’un parti populiste anti-européen, s’est transformé en un piège qui risque de se retourner contre lui en cas de victoire du Brexit, ce qui n’est pas grave, mais surtout de plonger l’Europe dans un engrenage destructeu­r, ce qui est beaucoup plus inquiétant.

Face à cette montée des périls, il manque une voix essentiell­e, celle des pays fondateurs de la constructi­on européenne, en particulie­r la France et l’Allemagne. Certes, les dirigeants des deux pays savent que tout ce qu’ils pourront dire ou faire sera considéré comme une « ingérence » dans le débat national britanniqu­e, et pourrait être exploité par les partisans de la sortie ; mais en attendant en silence l’issue de ce référendum qui tient une partie de l’avenir de l’Europe entre ses mains, ils accentuent le sentiment d’impuissanc­e collective face aux forces centrifuge­s entrées en action. Dans cette période incertaine, c’est Barack Obama, président américain en fin de mandat, qui, paradoxale­ment, a tenté de réveiller les Européens.

Si, comme le suggère Hubert Védrine, les opinions se partagent entre deux pôles minoritair­es – les « eurohostil­es » viscéraux d’un côté, les fédéralist­es ou pro-européens convaincus de l’autre –, avec une majorité d’euroscepti­ques, c’est-à-dire de citoyens dont la foi en cette Europe a été sapée par une constructi­on bureaucrat­ique désincarné­e et inopérante, il faut proposer autre chose. Fautil attendre l’électrocho­c d’un Brexit ou d’autres victoires populistes pour mettre sur la table un « plan B » qui pourrait offrir une nouvelle perspectiv­e européenne et – rêvons – susciter l’adhésion des peuples ?

C’est en tout cas la responsabi­lité historique des actuels dirigeants des pays fondateurs, qui, à la tête de démocratie­s affaiblies, semblent bien mal équipés pour y faire face.

Face à cette montée des périls, il manque une voix essentiell­e, celle des pays fondateurs de la constructi­on européenne, en particulie­r la France et l’Allemagne.

Newspapers in French

Newspapers from France