“La France peut mieux faire”
France Stratégie (ex-Commissariat au Plan) a engagé un vaste travail de prospective 2017-2027 pour éclairer le débat avant l’élection présidentielle. Selon l’économiste Jean Pisani-Ferry, la France va mieux, comme le répète François Hollande, mais elle ne
En vous appuyant sur le contenu de votre audit du pays dans la perspective de la décennie à venir, pourriezvous dire, vous aussi, que « la France va mieux » ? Notre travail d’analyse et de prospective (1) vise en effet à établir un diagnostic objectif, non partisan, et à fournir des matériaux pour un débat de qualité, à la mesure des défis qui se posent au pays. Espérons que cela nous aidera à trouver les antidotes au « trumpisme » qui nous menace.
Sur le « mieux », tenons-nous en donc aux faits. Que constatons-nous? Après le choc de 2009, la croissance a redémarré en France comme dans l’ensemble de la zone euro, puis elle s’est sérieusement tassée début 2011. Jusqu’à l’été 2015, elle est restée autour de 0,8% par an. Aujourd’hui, elle atteint 1,6%, le double. Sur l’emploi, la tendance est assez voisine : nous étions environ à 100000 emplois de moins par an début 2013 ; maintenant, nous sommes autour de 100 000 créations d’emplois par an. Donc, objectivement, ça va mieux. Ce qui ne veut pas dire que ça va bien. D’abord parce que notre revenu par tête est au même niveau qu’en 2007 et qu’une décennie perdue, ce n’était pas arrivé depuis l’après-guerre ou, auparavant, les années 1930. Cela explique l’extrême insatisfaction des Français. Ensuite parce que l’amélioration doit beaucoup à la baisse du prix du pétrole, à celle des taux d’intérêt et à la dépréciation de l’euro. Ce sont des facteurs temporaires, pas structurels. Enfin, parce que nous faisons nettement moins bien que les Britanniques ou les Suédois. Donc ça va mieux, mais la France peut mieux faire encore. N’y a-t-il pas en France, comme aux Etats-Unis, une sorte de polarisation, avec des gagnants peu touchés par la crise et beaucoup de perdants qui n’en sortent pas vraiment ? La France n’échappe pas à la montée des inégalités, mais dans une bien moindre mesure qu’aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni. Aux Etats-Unis, la classe moyenne ne compte plus qu’un Américain sur deux, alors qu’elle englobe encore plus des deux tiers des Français (2).