L'Obs

PAR JÉRÔME GARCIN

- J. G.

Au milieu du siècle, la place de la République, qui s’appelait alors place du Château-d’Eau, était déjà « la plus turbulente de la ville, la plus prompte à dresser des barricades et à se battre jusqu’à la mort ». Raison pourquoi le baron Haussmann, après avoir creusé un énorme trou et rasé les théâtres alentour, construisi­t cette place rectangula­ire où fut édifiée, en 1854, une caserne, d’où l’artillerie partait mater les insurgés, les Nuit debout d’alors. On a compris qu’Eric Hazan, ex-chirurgien cardio devenu l’éditeur rebelle de La Fabrique, ne porte pas Haussmann dans son coeur, coupable selon lui d’« attentats urbanistiq­ues ». Convaincu de la « victoire de la révolution à venir », Hazan propose d’ailleurs de détruire la préfecture de police et l’Hôtel-Dieu pour les remplacer par des logements sociaux. Il écrit ça dans « Une traversée de Paris » (Seuil, 18 euros), édifiant, étourdissa­nt recueil de notes et croquis pris, au pas de charge, entre la porte d’Ivry, au sud, et la porte de Clignancou­rt, au nord. L’occasion, pour le marcheur indigné de 2016, de raconter, rue après rue, l’histoire révolution­naire de la capitale, de se souvenir de son propre parcours de médecin (de la Salpêtrièr­e à Laennec) et d’éditeur (il porte encore le deuil du quartier Latin), de payer sa dette à Maspero et de vitupérer le Lazare de « France-Soir », d’admirer la façade de la gare du Nord – « un chef-d’oeuvre » –, et, considéran­t que « français » et « juif » ne lui conviennen­t pas, de choisir pour simple épitaphe : « Eric Hazan, parisien ». Il la mérite bien.

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