La fascination Tchernobyl
LA ZONE, PAR MARKIYAN KAMYSH, ARTHAUD, 164 P., 16 EUROS.
« Plus tard, lorsque je sombrerai dans une vieillesse apathique, je fermerai les yeux pour revivre ces moments éblouissants, cette jeunesse folle. » Cet eldorado, qui inspire à Markiyan Kamysh des pensées nostalgiques, c’est la zone interdite de Tchernobyl, 2 000 kilomètres carrés cernés de barbelés, où personne encore n’a eu le droit de retourner vivre. Depuis onze ans, cet Ukrainien de 28 ans y pénètre clandestinement et l’explore. Son histoire personnelle l’y appelait : son père a été l’un des premiers « liquidateurs » de Tchernobyl, ces sauveteurs envoyés combattre ce qu’on croyait être alors un incident comme un autre. Treize ans après, il est mort, léguant à son fils une fascination étrange pour un endroit dont le nom murmuré à la table familiale le faisait rêver. Alors il y est allé. Il raconte les « stalkers » qui fréquentent la zone pour y trouver on ne sait quel frisson, les clandestins qui squattent les maisons abandonnées de la ville de Pripyat et des villages reculés, les trafiquants qui coupent du bois ou chassent le gibier, les toxicos qui transforment la gare de Klyvyny et l’église de Krasno en salles de shoot.
Les plus belles pages décrivent son errance dans un désert peu à peu reconquis par la vie. La zone a fait Kamysh comme Kamysh a parcouru la zone. C’est le récit d’un écrivain qui tente de dépeindre l’étrange emprise que ce lieu maudit exerce sur une âme qui se cherche. Sans vraiment l’expliquer : son amour pour cet endroit « où il est stupide d’aller aussi souvent » reste pour lui un mystère.