L'Obs

Loubna Abidar se raconte

LA DANGEREUSE, PAR LOUBNA ABIDAR, AVEC MARION VAN RENTERGHEM, STOCK, 198 P., 17 EUROS.

- G. L.

Un soir de novembre 2015, dans une rue de Casablanca, trois jeunes hommes avinés attrapent Loubna Abidar par les cheveux, la jettent sur la banquette arrière de leur voiture, la rouent d’insultes et de coups. C’est le sinistre épilogue de l’invraisemb­lable lynchage médiatique que subit, dans son pays, l’actrice marocaine de « Much Loved », le film de Nabil Ayouch, depuis sa présentati­on à Cannes, l’an passé. Parce qu’elle a joué dans cette chronique de la triste condition des prostituée­s, à Marrakech, Loubna Abidar, 31 ans, incarne le mal dans une société structurée par le machisme institutio­nnel et par la religion. Dans cette autobiogra­phie salutaire, elle raconte le malheur de naître fille, d’un père berbère et d’une mère arabe – la honte sociale absolue. A 5 ans, elle est captivée par les danseuses des films de Youssef Chahine qui passent à la télé et que sa grand-mère désigne comme des « putes » – au point que la jeune Loubna prendra longtemps « pute » pour synonyme d’« actrice ». Elle décrit l’ascension sociale par les hommes – seul horizon possible, auquel elle n’échappera pas, en dépit de son progressis­me. Elle dit aussi la jubilation d’accéder à la dignité par le combat politique, ajouté à un sens de la débrouille digne d’une héroïne de roman. De sa jeune vie chaotique, Loubna Abidar tire un témoignage dense, nerveux, plein de colère et de couleurs vives. Ses mots simples, pudiques, révèlent un enfer intime en même temps que l’implacable quotidien des femmes marocaines d’aujourd’hui.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France