L'Obs

C’EST LE WAX QU’ELLE PRÉFÈRE

La mode africaine, moderne et colorée, prouve qu’elle a su faire la synthèse entre ses racines et les codes européens. Un métissage plein de peps qui commence à gagner en visibilité —

- Par SÉVERINE DE SMET

Ils sont jeunes, naviguent entre deux cultures, sont pétris de modernité et animés par l’envie de dépoussiér­er la mode africaine. Les créateurs originaire­s du continent revendique­nt un style afro-moderne, avec un mélange de coupes européenne­s et de couleurs chamarrées, le tout dans une fraîcheur réjouissan­te. Les 11 et 12 juin prochains se tiendra le salon Labo Internatio­nal à la Halle des Blancs-Manteaux, à Paris (4e arrondisse­ment), où plus de 50 stylistes présentero­nt leur travail, comme Xuly Bët, Adama Paris, Nash Prints It ou Nanawax. Lancé il y a dix ans sous le nom Labo Ethnik, ce salon profession­nel a été conçu pour favoriser l’émergence d’une scène mode africaine. « Je souhaitais donner une visibilité aux créateurs africains ou caribéens, un lieu pour les accueillir et permettre le métissage entre les univers », raconte Yvette Taï-Coquillay, ellemême métisse franco-sino-congolaise et passionnée de mode. « Pour des jeunes stylistes, d’autant plus s’ils viennent du Nigeria, de la Côte d’Ivoire ou de Londres, les salons de prêt-à-porter, tels Who’s Next et autres, sont trop chers. Mais ils ont besoin de rencontrer les acheteurs des grands magasins. Aujourd’hui, ils peuvent convaincre aussi bien les Américains de Neiman Marcus que les Français de chez Colette et Merci… » Car, depuis trois à quatre ans, le marché de la mode africaine s’est structuré, avec des réseaux de production et de distributi­on développés. Les jeunes créateurs sortent des meilleures écoles européenne­s, montent leurs marques, les fashion weeks sur le sol africain essaiment, des événements ont lieu en Belgique ou en Angleterre… Et, surtout, ces marques vendent ! Avec le wax, comme étendard. Ce tissu enduit de cire, résistant, épais et coloré, connaît ses plus belles heures en allant plus loin que le pagne traditionn­el. On le voit désormais partout : sur des souliers Louboutin, dans les collection­s Viktor & Rolf et Burberry, chez Zara, Asos… Maison Château Rouge et ses tee-shirts imprimés s’exposent chez Merci. Pimkie a lancé une collaborat­ion avec Nash Prints It. Les couleurs africaines explosent aussi en déco, avec de jolies boutiques comme CSAO ou Keur, à Paris, qui proposent des paniers du Sénégal, des coussins en wax ou des chaises scoubidou. Même les musées rendent hommage à la création africaine, à la culture de la Sape – la Société des Ambianceur­s et des Personnes élégantes –, endeuillée par la mort récente du chanteur congolais Papa Wemba… En ce moment, le Grand-Palais expose les clichés magnifique­s du Sénégalais Seydou Keïta, le Brighton Museum consacre une première expo majeure en Grande-Bretagne au bouillonne­ment de la mode à Casablanca, Lagos, Nairobi et Johannesbu­rg… Sans oublier le zoom sur les designers africains organisé par le Musée Guggenheim de Bilbao l’an dernier. « Il y a un dynamisme indéniable chez les créateurs originaire­s d’Afrique : c’est très frais, coloré, osé », se réjouit Yvette Taï-Coquillay. La poussière sur le wax est partie et c’est une bonne nouvelle !

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