ÇA BRASSE À PANAME !
En plein coeur de Paris, BapBap, fondée il y a un an par deux passionnés de houblon, revendique le savoir-faire de ses bières artisanales
Derrière le grand rideau de fer du 79, rue SaintMaur, dans le 11e arrondissement parisien, rien n’indique que 700 hectolitres de bière ont été brassés ici depuis un an. Bienvenue dans la microbrasserie BapBap, abréviation de « brassée à Paris, bue à Paris » ! Une sorte de retour aux sources pour ce quartier très branché d’Oberkampf qui fut, tout au long du e siècle, le coeur industriel de la capitale. Rien d’étonnant non plus que ce soit justement à cet endroit que les deux associés de ce projet audacieux aient trouvé le local dont ils rêvaient. « C’est un ancien entrepôt de passementerie, constitué d’une structure métallique de type Ei el datant du début du XXe siècle », explique Edouard Minart, l’un des fondateurs de la microbrasserie, un grand barbu de 35 ans. Même si cette impressionnante surface de 1800 mètres carrés répartie en sept niveaux (sous-sol et grenier compris) leur semblait bien trop vaste pour leur projet, les deux compères n’hésitent pas, et concluent le deal. « Cela faisait deux ans que nous cherchions. Nous avons rentabilisé le projet en intégrant un espace de coworking ainsi qu’une salle de dégustation. Par ailleurs, nous organisons des visites de la brasserie », souligne Edouard Minart, qui rappelle les contraintes qu’il leur fallait respecter : 800 mètres carrés minimum, un bâtiment capable de supporter une charge au sol de cinq tonnes – le poids d’une cuve de bière quand elle est pleine –, et une hauteur de 5 mètres sous plafond pour loger les cuves.
DU CROWDFUNDING À LA MOUSSE
Originaires de Bordeaux, Edouard Minart et Archibald Troprès, son associé, sont des amis d’enfance que rien ne prédestinait à embrasser le métier de brasseur. Après des études supérieures en finance, ils se retrouvent tous les deux en poste à l’étranger : l’un aux Etats-Unis, l’autre en Allemagne. A distance, ils partagent leur enthousiasme pour les bières artisanales qu’ils découvrent chacun de leur côté. De retour en France en 2010, ils poursuivent
leur carrière à Paris mais ont bien du mal à retrouver la qualité des bières dégustées outre-Rhin et outre-Atlantique. « A l’époque, seuls les Frogpubs (1) brassaient leur propre bière dans la capitale, rappelle Edouard Minart. Le signal déclencheur a été l’ouverture de la Brasserie La Goutte d’Or, en 2012, dans le quartier de Barbès. On s’est dit que si d’autres se lançaient, ce devait être également possible pour nous. »
Passionnés de bière, les deux compères sont en revanche totalement ignorants quant à ses méthodes de fabrication. Ils partent alors se former à Nancy où sont proposés différents cursus dans les métiers de la bière. « Nous sommes également allés visiter de nombreuses brasseries en Angleterre. A Londres, il n’existe pas moins de 70 brasseries artisanales », poursuit Edouard Minart. Pour financer cet investissement de plusieurs milliers d’euros (le montant exact reste confidentiel), les deux néobrasseurs sollicitent leur entourage, empruntent auprès des banques et mènent une intense campagne de financement participatif via le site Ulule, qui leur rapporte 180% du montant demandé. Inespéré !
PREMIÈRE GORGÉE
En octobre 2014, les clés des locaux en poche, les travaux peuvent commencer. Début 2015, le chef brasseur Bruno Couchaud les rejoint dans l’aventure. Ce biologiste de formation a suivi le cursus « opérateur de brasserie » de l’université de La Rochelle et a fait ses armes, entre autres, à La Brasserie du Bout du Monde, dans le Finistère. En avril 2015, la première bière BapBap est lancée. Baptisé « Originale », c’est une pale ale (5,8% d’alcool), inspirée des bières belges rondes et épicées et des pale ales américaines, au profil malté et fortement houblonné. Aujourd’hui, en plus des quatre bières qui composent la gamme BapBap, la microbrasserie produit des créations éphémères plusieurs fois par an. « Nous allons lancer une bière spéciale Euro 2016 dans quelques jours, ainsi qu’une “table beer” [bière de table à moins de 3,5% d’alcool, NDLR] d’ici à la fin du mois de juin », indique Edouard Minart. Le bilan, après une première année de production, est jugé « encourageant », selon les deux patrons : 700 hectolitres brassés, soit 200000 bouteilles de 33 centilitres, une présence dans 150 points de vente (cavistes, bars et restaurants), essentiellement à Paris et dans sa proche banlieue… BapBap peut s’enorgueillir d’avoir investi quelques adresses en vue actuellement, comme La Maison Plisson, l’alimentation générale trendy du boulevard Beaumarchais, ou Le Perchoir, l’un des rooftops parisiens les plus prisés du moment. Très prochainement, le caviste Le Repaire de Bacchus les proposera également au sein de ses 39 boutiques. « Notre capacité totale de production s’élève à 2 000 hectolitres. Ce serait bien qu’on ait atteint cet objectif au début de l’année 2017 », projette Edouard Minart. (1) Le Britannique Paul Chantler crée son premier Frogpub en France en 1993, rue Saint-Denis, qui produit sa propre bière artisanale en sous-sol. Un concept qu’il essaime dans la capitale et d’autres grandes villes de l’Hexagone.
À DÉGUSTER BLANC BEC (4,7%)
Une bière de blé aux allures de blanche sans la sucrosité, avec un houblonnage à cru (pendant la fermentation). Résultat ? De belles notes de fruits jaunes et d’ananas et une fraîcheur renforcée grâce à la légère amertume de la finale.
VERTIGO (6%)
La première Indian Pale Ale (IPA, encore plus maltée et houblonnée que la pale ale) de la maison, un style très en vogue chez les AngloSaxons, se donne des airs d’ambrée sans en être totalement une. De magnifiques arômes de mangue, de fruits compotés, de miel, compensés par l’amertume présente et en finale un parfait équilibre, tout en longueur.
TOAST (4,5%)
Une brune de style Porter mais sans la lourdeur ni la puissance. Ses notes de café, de caramel et de pain grillé se retrouvent en bouche dans une grande légèreté, avec une texture soyeuse et une finale fraîche et désaltérante.
BELLE SAISON (3,5%)
La dernière création éphémère de la maison, une bière d’été par excellence, très légère et accessible, aux notes herbacées et extrêmement rafraîchissantes.