Le vrai pouvoir de Google en France
Comment le géant américain déploie son influence
Champagne ! Mercredi 20 avril 2016, dans le vaste sous-sol du siège parisien de Google, rue de Londres, un étrange événement réunit les travailleurs sociaux d’Emmaüs et les geeks du titan américain : l’ONG fondée par l’abbé Pierre annonce la création d’une start-up baptisée WeTechCare. La jeune pousse parrainée et financée par Google – 1 million d’euros en capital – se propose de lancer des plateformes pour accompagner, d’ici à 2020, 1 million de Français cumulant précarités sociale et numérique. Google et Emmaüs, même combat ? « Alors que les services publics se dématérialisent, l’incompétence numérique est devenue l’illettrisme d’aujourd’hui. Un grand merci à Google et aux “Googlers” de nous aider à le combattre », déclare Jean Deydier, directeur d’Emmaüs Connect. « Nous mettons l’innovation numérique au service des défis sociaux : c’est un puissant levier d’insertion pour les publics les plus démunis », poursuit Florian Maganza, responsable européen de Google. org, la division philanthropique du groupe dotée de 100 millions de dollars par an, soit 1% des bénéfices mondiaux du groupe américain.
Google a si bon coeur. Après avoir o ert 3,2 millions d’euros aux 10 associations finalistes du premier Google Impact Challenge, l’automne dernier, la filiale française prépare une nouvelle initiative pour les jeunes demandeurs d’emploi. Mais ces généreuses intentions – doublées de belles opérations de com – ne doivent pas occulter les questions qui fâchent. Surpuissante, omniprésente, la firme de Mountain View est plus que jamais dans le viseur de la Commission européenne. Optimisation fiscale, pratiques anticoncurrentielles et gestion opaque des données personnelles… Les dossiers qui concernent ce Léviathan numérique comptent des milliers de pages (voir p. 40). Après sept ans d’enquête, Bruxelles pourrait bientôt lui infliger une amende record d’environ 3 milliards d’euros pour « abus de position dominante ». Et ce n’est qu’un début. Une directive adoptée par les 28 pays membres de l’Union européenne va contraindre les multinationales à payer des impôts dans les pays où elles réalisent leurs bénéfices. Fini le rapatriement des bénéfices de Google vers l’Irlande? L’étau se resserre. Le ministère des Finances français, qui aurait déjà notifié au groupe un redressement de 1,6 milliard d’euros, a perquisitionné le siège parisien du groupe le 24 avril…
LA STRATÉGIE DU “SOFT POWER”
Face à cette o ensive régulatrice, le moins que l’on puisse dire, c’est que Google a de la ressource. Dix-huit ans après sa création par Larry Page et Sergey Brin, l’entreprise californienne poursuit avec succès sa mission prométhéenne d’« organiser les informations à l’échelle mondiale, pour les rendre accessibles et utiles à tous ». Pas un internaute n’échappe à ses produits, qui dominent l’économie numérique planétaire (voir infographie p. 34). En France, sa marque a remporté en 2016 les Trophées Viavoice de la réputation, devant Decathlon et Samsung. Très soucieux de sa réputation, le groupe de Mountain View construit de manière pragmatique une stratégie d’influence intelligente et moderne. Google est adepte du soft power (voir p. 37). Le concept, forgé par l’universitaire américain Joseph Nye au début des années 1990 pour qualifier le rayonnement culturel et diplomatique des EtatsUnis par opposition au hard power militaire de l’aprèsguerre, s’applique parfaitement à la domination que
“EN NÉGOCIATIONS, GOOGLE SAIT FAIRE PREUVE D’UNE GRANDE SÉDUCTION ET D’UNE BRUTALITÉ INOUÏE.” Un éditeur de presse
souhaite exercer Google. Sa stratégie de la « puissance douce » a une triple vocation : soigner son image, faire taire les contestations, et conforter sa mainmise sur nos données.
Comme toute multinationale, Google manie les outils classiques du lobbying : pour la seule année 2014, le groupe y a consacré 17,4 millions de dollars à Washington, et 4,5 millions à Bruxelles (trois fois plus qu’en 2013). Il développe des relations étroites avec les politiques. Et il crée aussi ses propres événements de prestige : les fameux Zeitgeist (« l’esprit du temps », en allemand), du nom du concept jadis théorisé par Hegel et Heidegger. Dans ces sommets dignes de Davos, gros clients et partenaires, triés sur le volet, côtoient les meilleurs cerveaux et athlètes de la planète (voir p. 36). Pour Google, la France est un laboratoire. Sa filiale y finance des bourses d’étude ou de projet (recherche en mathématiques au CNRS et à l’Inria, journalisme à Sciences-Po), des chaires universitaires (management à HEC), des think tanks (dont Terra Nova ou Renaissance numérique), des incubateurs de start-up (1 million d’euros pour Numa), ainsi que moult événements sur l’innovation… Mais ces partenariats institutionnels ne suffisent plus. Désormais, Google lance ses propres programmes de formation, conçus pour séduire différents corps de métier. Entrepreneurs sociaux, directeurs de musée, Youtubeurs, éditeurs de presse, chercheurs, patrons de start-up ou de PME, managers de grand groupe : le géant américain se montre toujours prêt à aider et tisse sa toile grâce à des initiatives bien pensées, très ciblées et redoutablement efficaces. « Avec tout l’argent qu’il doit au fisc, Google peut financer beaucoup d’initiatives philanthropiques ! » sourit un entrepreneur critique.
Comment résister à un partenaire aux poches si profondes et si bien garnies? « Google n’a pas son pareil pour s’immiscer dans les écosystèmes professionnels », résume un familier du groupe. Cela n’a pas toujours été le cas : au début de son internationalisation, la jeune pousse californienne cumulait arrogance et maladresse. « Née à Stanford, la start-up semblait ignorer que le reste du monde ne fonctionnait pas selon les codes de la Silicon Valley », note un observateur. D’où une première polémique très médiatisée, à partir de 2005, avec Jean-Noël Jeanneney, président de la Bibliothèque nationale de France, portant sur la numérisation « sauvage » par Google Print (devenu Google Books) de 15 millions de livres issus des bibliothèques américaines.
MAIN BASSE SUR LA CULTURE
Plus rien de tel aujourd’hui. Google a appris de ses erreurs. Quand une résistance apparaît, il adapte sa conduite. Exemple : dès 2009, il est clair que le groupe minore gravement sa facture fiscale, en sous-déclarant ses revenus engendrés en France : « Le chiffre d’affaires de Google avait déjà dépassé le milliard d’euros – davantage que Pages jaunes – mais il ne déclarait qu’une cinquantaine de millions », raconte un membre d’un cabinet de l’époque. En mai 2010, le président Sarkozy reçoit Larry Page. Récit d’un témoin : « Dans son langage musclé, le président chapitre le fondateur de Google : vous vous trompez! Suivez l’exemple de Disney, Coca, McDonald’s… Vous ne réussirez en France que si vous y investissez sur votre coeur de métier : l’ingénierie, la recherche. »
Notoirement peu à l’aise dans les relations publiques, Larry Page est sous le choc. Poussé par les équipes de Google France, qui réclament un véritable ancrage local, le patron opérationnel du groupe, Eric Schmidt, annonce en septembre un plan d’investissement de quelque 100 millions d’euros et la création de 150 postes. Google s’offre un nouveau siège, localise à Paris son nouveau centre européen de recherche et développement. Et il crée en France un institut culturel à vocation internationale, inauguré en grande pompe par Sarkozy en décembre 2011. Ses programmes ? Partenariat avec les grands musées, artistes en résidence, prix online d’art contemporain, soutien aux festivals d’art numérique… A travers plus de mille partenaires de la terre entière, des dizaines de milliers d’oeuvres sont visibles sur le web, dont plus de 60 en très haute définition. « L’institut culturel, c’est aussi un laboratoire, où 25 ingénieurs développent des outils et services pour le monde de l’art », explique AnneGabrielle Dauba-Pantanacce, porte-parole de Google France. « Ces propositions sont d’autant plus attrayantes que les grands musées ou institutions culturelles françaises sont alors complètement démunis sur le sujet », analyse Fleur Pellerin, ex-ministre du Numérique
puis de la Culture. Comment résister à une filiale française qui compte à présent 700 salariés, dont 130 ingénieurs? A Paris, 7 profs sont chargés des affaires publiques, dont l’ancien secrétaire général du Conseil national du Numérique Benoît Tabaka. Précision qui en dit long : ces communicants ne dépendent pas du patron pour la France, Nick Leeder, chargé du business, mais du responsable européen des relations institutionnelles, Carlo d’Asaro Biondo, qui lui-même prend ses instructions à Mountain View.
DES MILLIONS POUR LA PRESSE
Cible de premier choix : la presse. En 2011, Google France est parvenu à désamorcer une proposition de loi portée par les éditeurs de presse français. L’enjeu? A travers son moteur de recherche et son service Google Actualités qui reproduit des extraits d’articles, le groupe américain envoie de nombreux internautes vers les sites des journaux… Mais il siphonne aussi un volume croissant de recettes publicitaires. Pour récupérer une partie de cette « très importante captation de valeur par certains acteurs du monde de l’internet », les éditeurs de presse français concoctent, à l’automne 2012, un projet de loi qui soumettrait Google à un « droit voisin du droit d’auteur ». Problème, les avis sont partagés, au sein même de l’Etat, sur la solidité juridique et la faisabilité de cette « taxe Google ». La ministre de la Culture, Aurélie Filippetti, soutient l’idée d’une loi, celle du Numérique, Fleur Pellerin, prône une conciliation. Estimant que la presse pâtit surtout de son incapacité à prendre le virage numérique, Google agite la menace « atomique » du déréférencement des journaux français. Ce n’est pas du bluff : il le fera plus tard en Allemagne et en Espagne, où les éditeurs de presse ont joué la carte de la confrontation...
Le bâton n’est jamais loin de la carotte : « Google sait faire preuve à la fois d’une grande séduction et d’une brutalité inouïe en négociations », souligne un éditeur de presse. A la suite d’une visite d’Eric Schmidt à l’Elysée, fin octobre 2012, François Hollande donne deux mois aux protagonistes pour trouver un accord. « Les discussions ont été très tendues jusqu’au bout », raconte le médiateur du gouvernement, Marc Schwartz. Finalement, le PDG américain accepte in extremis la création d’un fonds Google de 60 millions d’euros sur trois ans pour financer les projets innovants de la presse française (dont « le Nouvel Observateur » a bénéficié).
Le 1er février 2013 au soir, Hollande reçoit Schmidt en majesté à l’Elysée, et déclare : « C’est une fierté pour la France que d’avoir réalisé cet accord avec Google. » Un cérémonial qui choque l’industrie musicale. Au même moment, en effet, la négociation d’un accord sur la rémunération des artistes entre YouTube (la filiale vidéo de Google) et la Sacem (Société des Auteurs, Compositeurs et Editeurs de Musique) est en pleine crispation : pour accroître la pression, YouTube France vient d’annoncer qu’il retirait la publicité de toutes les vidéos musicales françaises! Mais pas un mot de ce chantage à l’Elysée…
L’actrice Cate Blanchett évoque son travail d’ambassadrice de l’ONU pour les réfugiés lors du sommet Zeitgeist 2016, en Grande-Bretagne.
La presse française s’est-elle « vendue pour un plat de lentilles », comme l’affirme ce critique ? « C’était un accord gagnant-gagnant », rétorque Marc Schwartz, qui pointe l’échec de la « Google Lex » allemande. Google, en tout cas, est si satisfait… qu’en avril 2015 il étend ce mécanisme à toute la presse européenne avec un nouveau fonds de 150 millions d’euros sur trois ans. Lors de sa première visite en Europe, le 24 février 2016, le nouveau patron de Google, Sundar Pichai, annonce dans le grand amphi bondé de Sciences-Po Paris que sa Digital News Initiative, destinée à « bâtir un écosystème durable pour le journalisme d’information », a déjà sélectionné 128 projets, dans 23 pays d’Europe. En attendant, le problème du partage de la valeur reste entier : le groupe News Corp de Rupert Murdoch vient de déposer à Bruxelles une nouvelle plainte, expliquant que Google spoliait la presse en publiant assez de choses sur ses propres services de recherche, et d’actualités, pour garder les internautes sur ses pages. Comme l’écrivait il y a deux ans Mathias Döpfner, le patron du groupe allemand Axel Springer, dans sa lettre ouverte à Eric Schmidt : « Nous avons peur de Google »… à cause de « l’absence d’alternative ».
AMIS ENTREPRENEURS…
Pas d’alternative non plus pour les commerçants en ligne : « Google a un droit de vie et de mort sur l’e-commerce mondial ! » s’exclame un entrepreneur réputé du secteur. « Pour être bien référencé sur leur moteur, je suis contraint de dépenser davantage que ma masse salariale en mots-clés et liens payants », confie-t-il. Seuls échappent aux griffes de Google les commerçants chinois parce que leur marché est fermé, Amazon.com qui est une destination en soi, ainsi qu’une poignée de sites comme Venteprivee.com, qui fonctionne comme un club avec sa propre liste de membres.
Pour alimenter son vivier de clients-partenaires, Google France a imaginé une gamme de programmes d’« évangélisation » astucieusement baptisée Moteur de Réussites françaises. Google explique vouloir aider la France à prospérer en ligne : « Selon une étude Roland Berger, les entreprises qui embrassent pleinement la transformation numérique enregistrent une croissance six fois plus forte que les autres, souligne Anne-Gabrielle Dauba-Pantanacce, de Google France. Or les entreprises françaises sont en retard dans la transition numérique : 59% des Français achètent en ligne, mais seulement 11% des entreprises françaises vendent en ligne.»
L’un des fers de lance de cette initiative, c’est « Google pour les Pros », lancé en 2012 et déployé dans plus de 100 villes : en partenariat avec les chambres de commerce et d’industrie (CCI), des étudiants formés par Google aident gracieusement les commerçants, artisans et patrons de PME à augmenter leur visibilité et leur activité sur le web. « Le partenariat avec Google nous permet de démultiplier nos forces, a témoigné Philippe Hourdain, président de la CCI Grand Lille. Sans eux, nous n’aurions pas réussi à déclencher une impulsion de masse. » Le 30 mai 2016, le patron de Google France, Nick Leeder, vient prêcher la bonne parole aux côtés du président de la CCI Lyon Métropole.
« “Google pour les Pros” a déjà formé 65000 personnes, avec un objectif de 200000 pour tous nos programmes fin 2016 », explique-t-on au siège parisien de Google, dont le site dédié regorge de belles histoires de PME. Exemples? « Legend Motors dont le dirigeant, amateur de motos de renom, a trouvé un rayonnement international qui lui a permis de doubler ses ventes et d’embaucher deux personnes. » Ou encore Stores et Rideaux à Nottonville, Uvea à Roubaix, Flat à Paris…
Evidemment, comme tout bon « dealer », Google donne gratuitement les premières doses, montrant au fleuriste ou au charcutier du quartier comment figurer sur son annuaire Google My Business. Les meilleurs élèves passent ensuite aux produits plus sophistiqués, qui, eux, sont payants : Google Display Network et YouTube pour augmenter sa notoriété
avec la vidéo en ligne, Google AdWords pour développer sa clientèle sur le Net, l’analyse d’audience pour évaluer l’impact de ses actions, ou Google Apps for Work pour gagner en productivité. Généreux, Google ? En valeur absolue, oui. Mais pour la première capitalisation boursière mondiale (484 milliards de dollars), disposant de 73,1 milliards de dollars de cash (à 59% hors Etats-Unis), que pèsent quelques centaines de millions investis en soft power sur le continent européen? C’est une manière finalement peu coûteuse de soigner sa réputation : un atout stratégique dans une économie de la gratuité, où l’utilisateur – volatil – « est » le produit. Voire de désamorcer des contentieux qui pourraient se traduire en milliards d’euros d’amendes. Google accorde d’autant plus d’importance à sa réputation que, paradoxalement, il sait son empire fragile : à un clic de la concurrence, à une vague technologique du déclin. Pas question pour lui de subir le sort d’IBM ou de Microsoft ! Or l’ère du mobile et des applications pourrait éroder sa très lucrative fonction de recherche, et son frère ennemi Facebook met le turbo sur les outils technologiques de demain : vidéo, bots, intelligence artificielle et réalité virtuelle.
RENDRE LE MONDE MEILLEUR ?
Pour chacun de ses bénéficiaires, les propositions de Google sont irrésistibles. La start-up sociale qui peinerait à lever 20000 euros en financement participatif en touche 500 000… plus les conseils d’ingénieurs hors pair! Le jeune artiste numérique a l’opportunité unique de sculpter en réalité virtuelle. La PME enclavée s’envole en ligne à la conquête du monde… Les employés de Google, eux, sont fiers de s’impliquer dans des projets qui ont du sens. Mais voilà : le tableau d’ensemble dessine une inquiétante dépendance qui va croissant. En gardant ses utilisateurs le plus longtemps possible dans son écosystème, Google fonctionne comme un aspirateur universel de mégadonnées. Moulinées dans la « boîte noire » de ses algorithmes, ces « data » lui permettent de rendre ses services toujours plus intelligents, voire prédictifs. « Big data » et intelligence artificielle font progressivement basculer notre civilisation dans un système de gouvernance par les algorithmes. Un modèle qui étend son emprise sur la production et la distribution… mais aussi la communication, l’information, la culture, la sécurité, la finance, les transports, l’éducation, la santé ! « Les services et les algorithmes de Google ne sont pas un programme de gouvernement. En tout cas, ils ne devraient pas l’être », écrit Mathias Döpfner. Ce défenseur et partenaire de Google souligne son absence de cynisme ou de machiavélisme : « Ses employés croient réellement qu’ils oeuvrent pour un monde meilleur ! » Justement : le problème est que le soft power de Google est politique, car il est, in fine, au service d’une vision du monde « made in Silicon Valley », à mille lieues des valeurs humanistes de l’Europe (1). Une civilisation inégalitaire, libertarienne et transhumaniste, si l’on en croit les rares interviews de fond de Larry Page.
Le credo des fondateurs de Google, « Ne faites pas le mal! », semble s’être mué en une foi utopique selon laquelle le progrès exponentiel des technosciences résoudra tous les grands problèmes de l’humanité : faim, pauvreté, maladie, pollution... Les seigneurs mondiaux du numérique tiennent tous le même discours messianique : « Je crois à l’extraordinaire e et d’émancipation et de démocratisation de la mise du savoir à la portée de tout le monde, partout, a déclamé Sundar
Pichai lors de son récent passage à Paris. Cette conviction est ce qui nous pousse à remplir notre mission. »
L’économiste et essayiste Alain Minc, lui, voit en Google « un défi de souveraineté sans précédent, posé aux Etats dans leurs fonctions économiques, sociales et régaliennes ». Pour Nicolas Dufourcq, président de la banque publique Bpifrance, « sans nier la qualité de l’innovation technologique créée, le monde entier à l’exception de la Chine est obligé de travailler en se demandant comment éviter de déplaire à Google ou Apple, car la disgrâce peut être rapidement très lourde de conséquences ». En France, beaucoup de personnalités partagent leur inquiétude, mais seule une poignée ose l’exprimer publiquement (voir portraits ci-dessus).
Comment réguler les hyperpuissances du numérique sans brider l’innovation? L’Europe peut-elle encore réagir pour ne pas devenir, selon l’expression de la sénatrice Catherine Morin-Desailly, une « colonie numérique » des grandes plateformes américaines… voire, demain, chinoises? Hélas, aucun candidat à la prochaine élection présidentielle, de droite ni de gauche, n’aborde sérieusement ce sujet. (1) Voir « Lettre à mes parents sur le monde de demain », Dominique Nora, Grasset, avril 2015