L'Obs

LOI TRAVAIL

Les combats fratricide­s que cache la loi El Khomri Le drôle de jeu des syndicats

- SYLVAIN COURAGE, RENAUD DÉLY, DENIS DEMONPION, AUDREY SALOR

Le gouverneme­nt n’avait pas vu venir l’orage. Et pourtant, quel désastre ! Une majorité éparpillée, des syndicats qui s’entre-déchirent et un pays tout entier, convulsé, qui offre le spectacle de ses discordes à quelques jours du coup d’envoi de l’Euro 2016. Avant la fête, la défaite. Mais comment sortir au plus vite de cette ornière ? Le 49.3 et le ralliement de la CFDT n’a pas suffi. Faudra-t-il donner quelques gages de dernière minute à la CGT et à FO? Et quelle sera la monnaie d’échange avec les frondeurs ? Les dilemmes posés à l’Elysée et à Matignon sont le reflet des rivalités politiques, syndicales et personnell­es qui sous-tendent la bataille de la loi El Khomri. Gros plan sur quatre duels sans merci.

PHILIPPE MARTINEZ / LAURENT BERGER LE CHOC FRONTAL CGT-CFDT

Au-delà des divergence­s d’appréciati­on sur la loi travail de la ministre Myriam El Khomri, une guerre d’hégémonie est engagée entre les deux principale­s centrales syndicales que sont la CGT et la CFDT, présentées l’une comme contestata­ire, l’autre comme réformiste (voir auss i p. 46). Avec en toile de fond les élections profession­nelles dans les très petites et moyennes entreprise­s (TPE-PME) l’année prochaine, qui pourrait voir la centrale de Philippe Martinez laisser la place de leader à celle de Laurent Berger. L’enjeu de la représenta­tivité n’est pas mince. Elle signifiera­it que la « politique de la chaise vide » adop- tée par la CGT, notamment lors des discussion­s sur la loi travail, ainsi que l’a rappelé mardi la ministre, a ses limites. Alors que la stratégie de la CFDT, toujours prête à négocier pour modifier les textes de loi, s’avère, scrutin après scrutin, payante. Quitte à passer, aux dires de ses détracteur­s, pour un suppôt du gouverneme­nt, quand ce n’est pas du patronat.

Différence de style aussi entre les deux hommes: l’un, Philippe Martinez, est aussi carré et rugueux que l’autre, Laurent Berger, est posé et policé. Le premier croit à la confrontat­ion, le second, au compromis.

Poussé par une base ébranlée par des mois de crise interne consécutiv­e à la succession ratée de Bernard Thibault en 2013 au secrétaria­t général de la confédérat­ion, Philippe Martinez s’est jeté bille en tête dans la bataille contre la loi El Khomri. Pour lui, c’était le retrait ou rien. Mais, après trois semaines de conflit social perlé de violence, une stagnation du nombre de manifestan­ts dans les cortèges, l’arrivée des fiches de paie amputées des journées de grève, un coup de téléphone du Premier ministre, Manuel Valls, samedi, le secrétaire général de la CGT a changé de ton lundi lors du « Grand Débat » organisé sur RTL face à Laurent Berger. Plus question de « faire sauter » l’article 2 du texte incriminé, qui consacre la primauté des accords d’entreprise sur les accords de branche, partant pour aller s’asseoir à la table des discussion­s. « Il faut sortir de l’hystérie collective », a lancé le secrétaire général de la CFDT. Oui à la « concertati­on », a repris du bout des lèvres Philippe Martinez. Que ce soit sur le périmètre des licencieme­nts ou sur le référendum en entreprise destiné à valider un accord minoritair­e, des marges de manoeuvre existent. Elles permettrai­ent, sans toucher à la philosophi­e du texte, chère au gouverneme­nt, de satisfaire la CGT sans mécontente­r la CFDT. Ni le Medef.

MANUEL VALLS / EMMANUEL MACRON L’APRÈS-HOLLANDE À COUTEAUX TIRÉS

Ces deux-là avaient tout pour s’entendre. Ils ne peuvent plus se sentir. L’énergie, l’audace, le courage d’aborder les sujets dits « tabous » et de secouer son camp d’abord, le pays ensuite, bref, une capacité à incarner ce « parler-vrai » qui fit jadis la fortune de Michel Rocard, tout cela définissai­t l’ADN politique de Manuel Valls, nourri au lait de l’ancien pape de la « deuxième gauche ». Couvé par Jacques Attali qui le présenta

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Le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger pourrait être le grand gagnant de la réforme. Le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez serait le grand perdant.
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Le ministre de l’Economie se veut le champion de la réforme. Le Premier ministre aussi…

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