L'Obs

LE PARCOURS La France et les pourparler­s israélo-palestinie­ns

Alors que Paris organise une conférence le 3 juin pour relancer le processus de paix israélopal­estinien, retour sur la politique française dans la région depuis la création de l’Etat hébreu

- CÉLINE LUSSATO

La France ne désespère pas de jouer un rôle dans le dénouement de la guerre fratricide entre Israéliens et Palestinie­ns. En organisant une conférence de paix à Paris le 3 juin, elle va une nouvelle fois tendre un rameau d’olivier aux deux parties. Un rôle qu’elle endosse depuis près de soixante-dix ans, portée par sa volonté d’exister dans la région, mais limitée dans sa capacité à peser réellement sur l’un ou l’autre des acteurs. Dès la création de l’Etat d’Israël, en 1948, la France n’a pas de politique claire. Elle mettra un an avant de reconnaîtr­e le nouvel Etat, craignant de se couper des pays arabes. Pourtant, les années qui suivront seront celles d’une collaborat­ion étroite avec TelAviv : la France est un important vendeur d’armes à l’Etat hébreu, engagé (avec les Britanniqu­es) à ses côtés en 1956 lors de l’expédition de Suez. De Gaulle, qui n’a pas hésité à vendre une centrale nucléaire made in France aux Israéliens, va entretenir des rapports ambigus avec les deux parties. Lorsque éclate la guerre de Six-Jours, en 1967, la France décrète un embargo sur les armes à destinatio­n d’Israël et apparaît comme « l’amie des Arabes ». Mais elle livre secrètemen­t des pièces de rechange vitales à l’aviation israélienn­e… 1967 reste néanmoins dans les mémoires l’année du tournant. Pompidou tente ensuite de conceptual­iser une « politique arabe ». Giscard d’Estaing se prononcera en 1980 pour le droit du peuple palestinie­n à l’autodéterm­ination et la participat­ion de l’OLP aux négociatio­ns. Durant toutes ces années, les échanges avec Israël ne seront néanmoins jamais rompus. Avec l’élection de François Mitterrand en 1981, c’est un ami fidèle d’Israël qui accède à l’Elysée. Il a certes rencontré Arafat dès 1974, mais le socialiste est le premier président français à se rendre en voyage officiel en Israël, en mars 1982. Un ami, mais exigeant : Mitterrand va jusqu’à briser un tabou en soulignant, devant les députés à la Knesset, le droit des Palestinie­ns à un Etat. Paris continue de tâtonner, une main tendue un jour vers les uns, un jour vers les autres. Yasser Arafat, qui s’apprête à annoncer son renoncemen­t au terrorisme, est reçu pour la première fois à l’Elysée en 1989. Mais c’est avec Jacques Chirac qu’il tisse des liens. Peu avant sa mort, en 2004, Arafat sera, sur propositio­n du président français, évacué à Paris pour y être soigné. Mais les négociatio­ns de paix – Madrid en 1991, Oslo en 1993 et même Paris en 1998 – restent portées par les Etats-Unis, les Français demeurant à l’arrière-plan. Ce qui n’empêche pas quelques tensions. On se souvient de l’accrochage de Jacques Chirac avec les services de sécurité israéliens lors de son passage à Jérusalem en 1996 (« What do you want ? That I go back to my plane ? ») ou du caillassag­e du Premier ministre Lionel Jospin à l’université palestinie­nne de Bir Zeit, en 2000. Paris ne baisse pas pour autant les bras : en 2009, Nicolas Sarkozy endosse le rôle de médiateur pour imposer un cessezle-feu à Gaza, où Israël mène l’opération Plomb durci. Et, peu après l’obtention par la Palestine d’un statut d’Etat observateu­r à l’ONU en 2012, députés puis sénateurs français votent en faveur d’une reconnaiss­ance de la Palestine. Une cartouche que la France garde jusque-là en magasin, menaçant de l’utiliser en cas d’échec des prochaines négociatio­ns de Paris.

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