RÉSEAUX SOCIAUX Vis ma vie sur Periscope
C’est la nouvelle appli qui cartonne. De son téléphone portable, elle permet de diffuser en direct sa vie à ses abonnés. Pour le meilleur ou pour le pire. Immersion
Ce mardi 10 mai, une jeune femme brune au teint de nacre tire sur sa cigarette. Imanolthecat, c’est le pseudo qui s’affiche à l’écran, est fébrile. « La vidéo que je suis en train de faire n’est pas [destinée à] faire le buzz. Elle est là pour faire réagir les gens, pour ouvrir les esprits. Vous verrez. Patientez. Ce qui va se passer risque d’être vraiment très très choquant. S’il y a des gens qui sont mineurs, tout à l’heure : ne restez pas. » Imanolthecat parle depuis son smartphone sur Periscope, l’appli de vidéo en direct qui cartonne chez les jeunes depuis sa création il y a un an. Elle se filme et s’adresse de vive voix à ses internautes abonnés, environ mille, qui sont là en spectateurs. Ils réagissent en écrivant des messages qui s’affichent instantanément à l’écran. L’un d’entre eux s’inquiète de son moral. Elle balaie ses peurs : « Mais non, je ne vais pas sauter d’un balcon. Je suis au rez-de-chaussée, tu veux que je saute d’où ? » Elle leur donne rendez-vous à 16 heures. Ceux qui se reconnectent à l’heure dite pour voir le truc « très choquant » promis sont atterrés : Imanolthecat se jette sous un RER. Son téléphone abandonné sur le ballast montre un écran vide, puis la tête d’un pompier qui vient le récupérer. Elle s’appelait Océane, avait 19 ans. Elle est morte en direct sur un réseau social nouvelle génération.
Pour ses fondateurs, « Péri », comme l’appellent ses adeptes, c’est le don d’ubiquité enfin réalisé : « Explore le monde avec les yeux de quelqu’un d’autre », clame son slogan. En vidéo de démonstration, sur le site de l’appli, on voit un touriste en train de survoler les sublimes paysages de Cappadoce, en Turquie, embarqué dans la nacelle d’une montgolfière.
Periscope, en quelques mois, est devenue incontournable. Les internautes ont pu de chez eux participer aux sit-in de Nuit debout, pénétrer en Corée du Nord avec une journaliste américaine, entendre l’arrière droit du PSG Serge Aurier traiter son entraîneur Laurent Blanc de « fiotte »… Ou encore voir deux ados bordelais qui avaient promis de « mettre des K.-O. » à partir de quarante spectateurs agresser un homme ivre. Sans parler d’Océane. Periscope est ce que les internautes en font. Le meilleur – une info par et pour chacun, non censurable – et le pire – un puits sans fonds d’ennui et de violence. L’appli fait le buzz et sème la controverse. « L’Obs » s’y est plongé.