L'Obs

Ces pays qui préfèrent Donald Trump

-

L’affaire est entendue en Europe de l’Ouest : si nous avions le droit de vote aux Etats-Unis, peu d’entre nous sans doute porteraien­t leur choix sur Donald Trump… Mais ailleurs ? S’il est un pays où l’on « vote » pour le vainqueur de la primaire républicai­ne, c’est la Russie : il y a quelques jours, j’ai pu entendre un diplomate russe de haut rang affirmer sans hésitation que, « si Trump était président, il y aurait moins de tensions entre Washington et Moscou ».

Cela surprendra le lecteur européen pour qui Donald Trump est une version contempora­ine du Docteur Folamour, et pourtant à Moscou on voit ou on fait mine de voir en lui un gage de stabilité. L’explicatio­n est double : d’abord une détestatio­n de Hillary Clinton qui a déjà annoncé qu’elle s’opposerait résolument à Vladimir Poutine ; mais aussi l’idée que Donald Trump est avant tout un « pragmatiqu­e » avec qui on pourra toujours s’entendre. Le diplomate déjà cité faisait même le parallèle avec Ronald Reagan, l’acteur anticommun­iste de Hollywood, unanimemen­t sousestimé lors de son arrivée à la Maison-Blanche en 1981, mais qui finira pas signer d’importants traités de désarmemen­t avec l’URSS.

Un autre pays où le discours de Donald Trump suscite des réactions mitigées, et pas nécessaire­ment aussi négatives qu’on pourrait le croire, c’est la Chine. Le candidat à l’investitur­e républicai­ne a certes fait de la Chine – avec les musulmans et les Mexicains – l’une de ses principale­s cibles, l’accusant d’avoir commis le « hold-up du siècle » sur les emplois américains, mais Pékin a l’habitude de ces discours de campagne qui en font un bouc émissaire. Pour autant, les Chinois ont la même antipathie que les Russes pour Hillary Clinton, dont l’internatio­nalisme traditionn­el des démocrates s’apparente à leurs yeux à de l’ingérence, et se demandent si Donald Trump, au-delà de sa rhétorique antichinoi­se, ne ferait pas leur affaire. Après tout, ces post-maoïstes pourraient se souvenir de la confidence faite par Mao Zedong à Richard Nixon en 1972 : « J’aime les hommes de droite. […] Je suis relativeme­nt heureux lorsque ces gens de droite arrivent au pouvoir » (rapportée par Henry Kissinger, dans « De la Chine », Fayard, 2012).

Toute l’ambiguïté, du point de vue de ces régimes autoritair­es, tient au programme de politique étrangère de Donald Trump, qui, après avoir divagué, a fini par en énoncer un en mars. Sans être réellement isolationn­iste, Trump veut privilégie­r l’intérêt des EtatsUnis qu’il ne voit pas dans une présence mondiale à tout prix. Et si le Japon, l’Europe ou l’Arabie saoudite veulent être protégés par l’armée américaine, ils n’ont qu’à payer. De quoi ouvrir des perspectiv­es aux dirigeants chinois qui voient leurs ambitions en mer de Chine méridional­e contrées par Washington, ou à Vladimir Poutine qui ne saurait qu’approuver l’opinion de Donald Trump sur le dossier ukrainien qui ne regarderai­t pas les Etats-Unis…

Au bout du compte, il est peu vraisembla­ble que ces grandes puissances aient réellement envie d’avoir en face d’elles un homme aussi imprévisib­le que Donald Trump, dont se détournent les principaux experts républicai­ns de politique étrangère. Mais ce « flirt » avec l’idée Trump en dit long sur leur méfiance vis-à-vis de la probable candidate démocrate, qu’ils connaissen­t bien pour l’avoir eue comme interlocut­rice lorsqu’elle était la secrétaire d’Etat de Barack Obama, et qu’ils considèren­t comme un « faucon » et une idéologue avec qui les relations seront forcément tendues. Mais, en diplomatie, rien ne fait plus peur que l’imprévisib­le.

Les Chinois ont la même antipathie que les Russes pour Hillary Clinton et se demandent si Donald Trump ne ferait pas leur affaire.

Newspapers in French

Newspapers from France