L'Obs

CANNES I HELP YOU?

Comment s’habiller quand on va à Cannes (pour la prochaine fois)? Déjà, en commençant par une prise de tête

- par SOPHIE FONTANEL

Votre serviteuse reprend ici une formule (« Cannes I help you? ») déjà écrite dans ce journal, en titre d’un article inoubliabl­e de Jean-Paul Dubois. L’écrivain JeanPaul Dubois est un bon point de départ sur la question de l’élégance. Car nous allons parler de ça.

J’étais au Festival de Cannes pendant quelques jours, et me suis trouvée confrontée au casse-tête de la tenue de rigueur. Le code cannois, je l’ai déjà mentionné ici, est assez simple : il faut être (bien) habillé. Il ne stipule ni l’obligation des talons (malgré ce qu’on a pu raconter) ni rien, en fait, à part l’injonction d’être au mieux, en quelque sorte. Et à partir de là, on commence à bien se marrer.

Allant à Cannes, j’ai eu l’idée de demander conseil aux autres. Histoire de voir. Parce que les autres, c’est pas seulement l’enfer, c’est aussi la norme hilarante.

Alors j’ai eu, par exemple, des réflexions du type : « Mets une robe longue, c’est l’occasion où jamais. » Comme si, de toute ma vie, j’avais attendu, tapie, le moment d’être enfin travestie en mariée ou en princesse, deux concepts pourtant fuis depuis l’enfance.

Je n’ai rien contre les robes longues, mais seulement si c’est pieds nus, sur un yacht et pour m’asseoir à califourch­on sur un matelot (je sais pas pourquoi je bosse à « l’Obs »). Sinon, je les considère comme le sable de la convention, ce dans quoi on entre sans bruit, mais en s’enferrant à mort.

Ensuite, voyant ma résistance, on m’a conseillé le smoking. Ambiance : « Metstoi en homme si t’es infoutue de te mettre en femme. » J’ai trouvé un beau smoking Céline, je l’ai même acheté (avec l’argent dont mes neveux auraient dû hériter), et je me suis découpée bords francs une sublime chemise à plastron en coton égyptien superfin. Or, une fois devant le miroir, il m’a semblé que c’était ballot de pas garder tout ça plutôt pour si jamais j’étais invitée deux fois sur le même yacht (celui dont j’ai parlé plus haut).

Bref, j’ai choisi de porter une jupe portefeuil­le sous le genou, toujours Céline, imprimé zèbre (« tu pourras jamais rentrer », qu’on m’a dit – pas dans la jupe, dans le Festival), jupe de jour, en fait. Avec ça, une blouse vintage Saint Laurent Co-Wear (faite jadis pour une compagnie aérienne), 10 euros chez Free’P’Star, 20, rue de Rivoli, à Paris, et des escarpins chinés 7 dollars à New York, années 1960. Chanel m’avait filé la fameuse petite veste noire, sublimité. Et vogue la galère.

Ensuite, je suis allée monter ces satanées marches, au milieu des endimanché­es. Y en avait des réussies (Kristen Stewart, en audace complète et en Chanel, là encore, ou Naomi Kawase, en Agnès b !), y en avait des lambda (prêtes pour jouer dans une série télé) et y en avait des ratées sur lesquelles j’ai même pas envie de m’étendre, puisqu’on a tous vu la même chose.

Je ne tire qu’une morale de tout ça : pour s’habiller, faut s’habiter. Si tu n’as pas « ça en toi », comme on dit, tu peux bien avaler un sponsor, tu seras juste vêtue en décor.

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