“Canada is back !”
Fini le néoconservatisme et le repli sur soi, le pays est de retour sur la scène internationale pour promouvoir la paix et les droits de la personne. Entretien avec Stéphane Dion, ministre des Affaires étrangères
Justin Trudeau le répète : « Canada is back! » Qu’est-ce que cela signifie ? Le Canada est un pays qui par son histoire et sa géographie a une bonne compréhension du monde. Nous souhaitons aider les causes qui relèvent du droit universel et de la prospérité mondiale. Justin Trudeau, comme son père avant lui, a cette conception du rôle du Canada et tient à ce que nous soyons des champions de la paix, des droits de la personne et de l’ouverture des marchés. Est-ce la raison de l’arrêt des frappes canadiennes en Syrie ? Nos frappes aériennes étaient menées par de grands professionnels. Mais il n’y avait pas un manque de ce côté-là dans la coalition. En revanche, il y avait une forte demande pour la formation des combattants. Nous avons donc triplé notre effort, notamment auprès des peshmergas, doublé notre capacité de renseignement et renforcé nos aides humanitaires : celles d’urgence mais aussi de long terme. Il ne faut pas qu’une fois l’Etat islamique anéanti un autre groupe terroriste prenne la place. Il faut donc aider l’Irak et la Syrie à redevenir des Etats fonctionnels. Enfin, nous aidons les Etats qui luttent pour ne pas devenir chaotiques, notamment la Jordanie et le Liban. Quant aux réfugiés, nous menons une politique d’accueil au Canada et avons d’ores et déjà dépassé les 25 000 arrivées.
Député du Parti libéral canadien, qu'il a dirigé de 2006 à 2008, Stéphane Dion est ministre des Affaires étrangères du gouvernement Trudeau depuis novembre 2015. Ci-contre, dans la ville de Québec le 29 janvier.
Une politique d’accueil loin du discours européen. Regrettez-vous l’attitude de l’Europe ? On ne fait pas la leçon aux autres. Nous ne sommes pas l’Europe, où des milliers de personnes arrivent en bateau de façon incontrôlée. Nous sommes conscients que Justin Trudeau doit son immense popularité au fait qu’il représente la confiance dans un monde où prédomine la méfiance. Mais il ne faut pas oublier que les Canadiens nous ont élus en connaissance de cause. Nos messages de campagne étaient : « Vous n’aurez pas moins de réfugiés, mais plus », « Nous allons agir en pleine confiance avec la communauté musulmane », ou encore « Nous défendrons les valeurs de pluralisme pacifique ». C’est désormais notre message dans le monde. « Ramener de la confiance », c’est ce que vous tentez en renouant un dialogue avec la Russie ou l’Iran ? Le monde n’est pas tel que nous souhaiterions qu’il soit. Il faut le rendre plus proche de notre idéal. Si on se retire du monde, on ne peut pas favoriser son amélioration. Nous avons de profonds désaccords avec les gouvernements iranien ou russe. Mais comment peut-on aider l’Ukraine si on n’a plus de relations régulières avec la Russie? En quoi cela aide-t-il notre allié israélien qu’on ne parle plus à l’Iran ? Ces approches ne sont bonnes ni pour les intérêts canadiens ni pour ceux de nos alliés. Cela veut-il dire que vous prônez un allégement des sanctions vis-à-vis de la Russie ? Au contraire nous les avons renforcées. Mais il faut le faire collectivement. Cela ne sera efficace que si les Canadiens agissent avec les Américains, avec les Européens et les autres. Vous avez également repris les négociations sur les accords de libre-échange transatlantiques… Oui, car il y avait une crainte de voir limitée la capacité des législateurs. Et nous sommes aujourd’hui parvenus, je crois, à des accords de libre-échange respectueux de la souveraineté des Etats. C’est faisable ! Nous pouvons renforcer nos échanges commerciaux tout en protégeant la capacité des gouvernements à avoir leur propre politique environnementale ou de sécurité alimentaire.
Vous êtes décidément d’un optimisme à toute épreuve ! Aujourd’hui Justin Trudeau symbolise l’optimisme mieux que tout autre être humain sur terre. Nous n’allons peut-être pas chambarder le monde mais nous nous efforçons de le faire avancer dans la bonne direction. Pas dans le sens de la méfiance et de la xénophobie mais dans celui de la confiance, quelles que soient votre religion ou votre origine ethnique.