L'Obs

LA POLICE AU CENTRE DU VISEUR

Le scénario d’un attentat pareil était redouté. Les forces de l’ordre se savaient menacées, mais l’assassinat à leur domicile d’un policier et de sa compagne à Magnanvill­e (Yvelines) marque un tournant dans la stratégie terroriste

- VIOLETTE LAZARD, VINCENT MONNIER, AVEC MATHIEU DELAHOUSSE, JULIETTE JABKHIRO ET CÉLINE RASTELLO

Personne n’imagine être victime d’un attentat terroriste en rentrant le soir dans son pavillon de banlieue. Pas plus un policier que quelqu’un d’autre. Lundi 13 juin, aux alentours de 21 heures, c’est pourtant arrivé. Lorsque Jean-Baptiste Salvaing, commandant de police mais habillé en civil, est arrivé devant chez lui, il n’a pas eu le temps de remarquer un homme, tapi dans l’ombre, derrière son portail. Larossi Abballa s’est jeté sur lui, et lui a porté plusieurs coups de couteaux. Les secours n’ont pas pu réanimer le policier. Le terroriste, un soldat auto-proclamé de l’organisati­on Etat Islamique, est ensuite entré dans la maison de ce fonctionna­ire de 42 ans, où se trouvaient sa compagne et son petit garçon de trois ans. Jessica, adjointe administra­tive au commissari­at de Mantes-la-Jolie, a été retrouvée morte quand les forces de l’ordre ont pu pénétrer sur les lieux. Le fils du couple était en choc, mais indemne. Avant d’être tué lors de l’assaut du Raid, le terroriste, lors de ses multiples échanges avec les forces de l’ordre, a clairement revendiqué le meurtre d’un policier, et non celui d’un homme et de sa famille qu’il aurait trouvé par hasard. Le terroriste était armé de plusieurs couteaux mais sans arme de poing ni explosif. Il avait ainsi suivi à la lettre

les consignes que diffuse depuis sa création l’organisati­on Etat islamique : « tuez des policiers ! ».

Devenu lieutenant en 2001, Jean-Baptiste Salvaing a fait toute sa carrière dans le départemen­t des Yvelines, d’abord à la BAC (brigade anti-criminalit­é), puis comme chef de groupe chargé de la protection des familles, des vols par effraction et des stups à Mantes-la-Joie et aux Mureaux. Plusieurs fois décoré, le policier est décrit comme « un très bon enquêteur, qui avait d’excellents états de services, explique Sabrina Rigolet, secrétaire nationale du SCSI-CFDT, qui l’a côtoyé pendant cinq ans. C’était un très bon procédurie­r et un bon manager d’équipe, avec une très bonne mentalité. Il était reconnu de sa hiérarchie, il faisait partie des très bons officiers du départemen­t. » A-t-il croisé la route de son assassin au cours de ses différente­s affectatio­ns ? En tout cas, lui, l’avait repéré puisqu’il a posté une photo de sa victime en uniforme sur son Facebook. Larossi Abballa, 25 ans, avait été condamné en 2013 pour appartenan­ce à une filière terroriste. Il était également connu pour des faits de petite délinquanc­e. Radicalisé depuis au moins 2011, considéré comme agitateur et prosélyte lors de ses passages en prison, il semble avoir agi seul, avec peu d’armes et une extrême violence.

La police visée dans un acte isolé et peu préparé ? Tout indique le contraire. Larossi Abballa semble avoir voulu suivre avec une précision terrifiant­e les consignes du Syrien Abou Mohammed Al-Adnani, porte-parole de l’Etat Islamique et considéré par les services de renseignem­ents occidentau­x comme « le ministre des attentats ». Dans un message diffusé le 21 mai dernier, cet homme que les groupes djihadiste­s appellent le « Cheikh Adnani » avait demandé aux fidèles de commettre de nouveaux attentats pendant le mois du ramadan. Ce vétéran de la lutte djihadiste devenue une figure de Daech avait déjà exhorté en septembre 2014 dans un message d’une quarantain­e de minutes tous ses partisans à attaquer les membres des forces de l’ordre des pays de la coalition : « Attaquez, tuez les soldats des tyrans, leurs forces de police et de sécurité, leurs services de renseignem­ents et leurs collaborat­eurs. » Il avait même donné aux terroriste­s un mode d’emploi très précis… « Si vous ne pouvez pas faire sauter une bombe ou tirer une balle, leur dit-il, débrouille­z-vous pour vous retrouver seul avec un infidèle français ou américain et fracassez-lui le crâne avec une pierre, tuez-le à coups de

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Le Raid arrive sur les lieux 15 minutes après le drame.

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