“Les Britanniques vont-ils décider seuls du destin de l’Europe?”
Cette députée européenne centriste publie “Goodbye Europe”. Elle revient sur l’impuissance européenne face aux exigences de David Cameron
Comment expliquer le silence européen sur le référendum britannique ? L’Europe a raté l’occasion de se faire entendre dès le discours de Bloomberg de David Cameron [au siège londonnien], le 23 janvier 2013. Lorsqu’il a dit que les Britanniques n’avaient jamais voulu de démocratie supranationale mais seulement d’un marché, on aurait dû lui rétorquer qu’ils avaient signé les traités. Mais on a ignoré ce discours. On a raté une deuxième occasion au moment de l’accord que nous avons conclu avec le Royaume-Uni en février dernier. Il a été scellé dans l’opacité la plus totale, en dehors du cadre des traités, sans débat public au Parlement européen. Or cet accord est discriminatoire pour la zone euro, il ne constitue pas une base saine si on doit continuer ensemble, et peut même s’avérer dangereux à terme. Nous n’aurions jamais dû nous laisser forcer la main à ce point. Nous n’aurions pas dû céder à leur chantage, à savoir : ou vous me donnez ce que je veux ou je sors. Forcément, on encourage ainsi les autres à faire la même chose. Allons-nous laisser les Britanniques décider seuls du destin de l’Europe ?
Qu’aurait-on dû faire ? Il y avait une voie médiane : on veut garder le Royaume-Uni mais on n’est pas prêt à tout accepter. Lorsqu’ils nous ont dit qu’ils voulaient réduire leur participation au projet communautaire, qu’ils ne voulaient pas d’« une union sans cesse plus étroite », etc., pourquoi ne leur avons-nous pas répondu : réduisons le rabais sur votre contribution au budget dont vous bénéficiez depuis Thatcher ? Cameron aurait certainement vu les choses différemment. Il demandait une remise à plat ? Nous aurions pu lui présenter notre propre liste de revendications. On aurait pu lui dire : vous voulez le marché unique, eh bien, nous le voulons aussi en matière de services financiers! – un sujet sur lequel ils ont plutôt envie de revenir en arrière. Mais la messe n’est pas dite. S’ils restent, il y aura encore des discussions pour mettre en oeuvre cet accord. Et puisqu’ils ont demandé à être définitivement à l'extérieur de la monnaie commune, il faudra que, au lendemain du vote, ils ne participent plus aux décisions de la zone euro. Et s’ils sortent, que préconisez-vous ? Les dirigeants européens oscillent entre des menaces de vengeance déplacées et un manque total de fermeté quand il s’agit de défendre des choses précises. Cessons les discours de matamore et les actes de souris. C’est cela qui nous perd. On entend dire que la France va être dure dans la négociation. Mais il ne faut pas perdre de vue que c’est à Londres que se trouve la plus grande communauté de Français vivant hors de France, que nous avons des intérêts financiers importants avec nos banques et nos compagnies d'assurances, qu’EDF a un contrat pour la construction de deux centrales nucléaires… Soyons fermes mais pas vindicatifs. (*) « Goodbye Europe », par Sylvie Goulard, Flammarion, 136 p.