L'Obs

LES MOTS CROISÉS

Où l’on voit aussi les chaises de la du Barry et l’ISF de Liliane Bettencour­t

- D. D. T.

Le ministre porte plainte. « Le Canard enchaîné », en e et, a publié une liste de contribuab­les soumis à l’ISF (impôt sur la fortune), provenant du ministère des Finances et dont le peuple n’avait pas à connaître. Il n’aurait pas dû la publier, « le Canard », les milliardai­res ont droit à la confidenti­alité fiscale comme tout un chacun. C’est un principe sacré, alors respectons-le pour les milliardai­res, n’est-ce pas, même s’il nous vient à l’esprit qu’il n’est pas respecté pour les plus pauvres qui, pour bénéficier de tout un tas de leurs droits sociaux, doivent d’abord montrer à tout un tas de monde qu’ils payent zéro impôt direct. Passons, ceux donc qui sont à plaindre cette semaine ce sont les milliardai­res et d’abord le premier d’entre eux, la personne la plus riche de France, j’ai nommé Mme Liliane Bettencour­t, laquelle on sait dorénavant combien elle paye d’impôt sur sa fortune, elle paye pas un rond. Pas un seul. Et c’est légal. Ça vient de ce que déjà imposée sur les sommes pharamineu­ses qui lui rentrent en caisse, si en plus il fallait qu’elle paye l’ISF, elle pourrait finir par être obligée de taper dans son capital. Vous pensiez que l’ISF était fait pour ça? Pour qu’il y ait quelques limites à l’enrichisse­ment? Eh bien vous vous trompiez. Vous pensiez peut-être aussi que pour gagner autant d’argent il faut être malin ? Tout le monde sait, c’est proclamé dans des prétoires, que cette dame depuis plusieurs années n’a plus toute sa tête, eh bien elle a déclaré l’année dernière 80 millions de revenus. Comme quoi gagner de l’argent et être supérieure­ment doué ça n’a rien à voir, c’est réconforta­nt.

A Cologne, dans la cathédrale, vol d’un morceau de tissu taché de sang, il s’agissait d’une relique de Jean-Paul II, pape au vingtième siècle, les esprits forts de ricaner : il y a encore, au vingt et unième, des esprits assez faibles pour s’attacher à pareilles momeries? Ben oui et c’est sans doute pas plus bête de se recueillir devant une relique papale que d’enchérir pour une culotte censée avoir appartenu à Marilyn Monroe, tous les ans on voit ça. A propos de culottes aux enchères, la plus intéressan­te, ce printemps, c’est un caleçon d’Hermann Goering, successeur désigné d’Hitler mais il a pas eu l’occasion. En soie, le caleçon, il pétait pas dans n’importe quoi, le gars. Par la même occasion, on pourra acquérir des chaussette­s du Führer, des bas d’Eva Braun et de la vaisselle de ce couple sympathiqu­e, il aurait fallu annoncer la vente la semaine dernière mais elle aura lieu le jour où paraîtra cet article : si le lecteur intéressé se jette sur cette chronique il a le temps d’enchérir par téléphone auprès de la maison Hermann Historica, de Munich, laquelle organise cette vacation dont elle précise qu’elle ne s’adresse pas à des nostalgiqu­es du nazisme, on se demande à qui elle s’adresse, alors. Est-on bête ! Elle s’adresse à des spéculateu­rs.

Après que la révolution de 1789 est passée il ne restait plus rien dans le château de Versailles, ce qui fait qu’Hermann Goering, un siècle et demi plus tard, n’a pas pu en emporter le mobilier pour l’installer en Allemagne dans son propre château. Il n’aura pas posé son caleçon sur les chaises de la du Barry dont les fesses rendaient fou Louis XV, valant à la belle d’avoir le cou tranché mais ailleurs, bien plus tard, sur l’échafaud de la place de la Concorde, à Paris, c’est de l’histoire et c’est en même temps de la géographie. La guerre heureuseme­nt gagnée par le monde libre, le château de Versailles fut remeublé petit à petit. Enfant, le chroniqueu­r visitait des appartemen­ts vides, aujourd’hui ils sont presque identiques à ce qu’ils furent au temps des rois. N’est-ce point merveilleu­x, mesdames messieurs, et rien que de l’authentiqu­e, la preuve, par exemple, si vous saviez combien ces chaises commandées par la du Barry on les a payées. Voilà qu’il apparaît qu’elles n’auraient jamais vu les fesses de la favorite et que les connaisseu­rs, les experts, les érudits se sont laissé abuser par les margoulins qui les ont récemment fait fabriquer. Des antiquaire­s réputés sont mis en examen. Combien de redevables de l’ISF auront-ils également trompés ?

Il pétait pas dans n’importe quoi, le gars.

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