L'Obs

TROP BON ! Le Cinq, étoiles bretonnes

Un an et demi seulement après son arrivée, le chef Christian Le Squer a permis au restaurant gastronomi­que de l’hôtel George V d’entrer dans le cercle fermé des triplement étoilés — par CHRISTEL BRION

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Vous l’avez ressenti, ce concentré iodé? » Christian Le Squer est planté là, les bras croisés devant la table, et attend le verdict. On se voit mal le contredire, mais son visage s’illumine très vite et dessine un large sourire, tant il est certain de votre réponse. L’araignée de mer décortiqué­e en carapace, accompagné­e d’une émulsion crémeuse liée au corail, est une grande vague qui submerge le palais sans crier gare. « Je voulais retrouver dans mes assiettes cette sensation de brise marine qu’on a sur le bateau entre Quiberon et Belle-Ile », s’amuse-t-il.

Le Breton, enfant de la ria d’Etel, souhaitait mêler les saveurs d’un terroir à la cuisine de palace, souvent noyée sous les produits luxueux prisés par une clientèle internatio­nale. Au Cinq, le bar de ligne sera servi, certes avec du caviar, mais aussi avec « le lait ribot de [son] enfance », mêlant acidité et velouté, et les langous- tines (photo), à la cuisson parfaite, seront bretonnes et accompagné­es de galettes de sarrasin croquantes. Les crustacés viennent du Nord, pour une chair plus iodée, les poissons de chez Jégo, le mareyeur du Morbihan, et la farine de blé noir de Fouesnant, au coeur de la Bretagne. Le chef, adepte de la simplicité, signe une carte des desserts où l’élégance de la pureté est illustrée par son fameux « Givré laitier », un blanc d’oeuf à peine meringué et une glace au goût de levure étonnant et implacable.

Il fallait à Christian Le Squer regagner ses étoiles acquises sans tambour ni trompette pendant ses douze années chez Ledoyen, et perdues lors de son « transfert », comme on dit dans le mercato des chefs de grandes maisons. Restait à lui donner une image, et à transforme­r en star ce Breton taiseux. Pour regagner le firmament, cet ex-discret a dû se faire violence : devenu hyperconne­cté, il sait désormais cultiver tous les réseaux et annonce fièrement « 21000 abonnés Instagram, 12000 amis Facebook et 130000 followers sur Twitter ». Un pari remporté en peu de temps pour celui qui avait un « contrat de trois étoiles sur la tête » quand il a été engagé en 2014 à l’hôtel George V pour Le Cinq. C’est chose faite depuis cette année et sous les ors, le marbre et les velours du palace parisien, le Breton se sent enfin chez lui.

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