L'Obs

L’OPINION de Matthieu Croissande­au

- MATTHIEU CROISSANDE­AU M. C.

Il y aura donc une primaire de la gauche. Ou de la gauche socialiste en tout cas, puisqu’une fois encore, malades de leur sectarisme, les états-majors des formations politiques qui composaien­t jadis le camp des forces du progrès ont été infichus de se mettre d’accord. On devrait se réjouir de la perspectiv­e de ce grand rendez-vous démocratiq­ue, en particulie­r à « l’Obs » qui a soutenu le principe de cette rénovation citoyenne de la vie politique dès ses prémices il y a dix ans. Mais l’annonce surprise du week-end dernier laisse un goût amer, tant la Belle Alliance populaire promise aux électeurs de gauche par le premier secrétaire du PS ressemble d’abord et surtout à une belle manoeuvre d’appareil.

Les socialiste­s et les commentate­urs politiques qui ont disséqué cette volte-face ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, louant ici et là le chef-d’oeuvre tactique de François Hollande et de Jean-Christophe Cambadélis. Faisant d’un mal un bien, alors même qu’ils n’y croyaient guère, ces derniers auraient à la fois muselé les frondeurs et jeté le poison de la division chez les adversaire­s du président. La belle affaire ! Il faut prendre la promesse de cette primaire pour ce qu’elle est : un aveu d’échec de François Hollande, qui a fini par s’y soumettre faute de disposer de la légitimité nécessaire pour imposer sa candidatur­e dans son propre camp, et un constat d’impuissanc­e du Parti socialiste, qui ne parvient plus à rassembler ses troupes ni à trancher en son sein ses différends.

Et pourtant, la primaire mérite mieux que cette petite entreprise d’éviction et de contournem­ent. Rappelons-en ici les usages et les mérites. A quoi sert-elle? D’abord, à départager des candidats ou des programmes issus d’une même famille politique. Ensuite, à préparer le terrain avant un scrutin pour éviter des candidatur­es parasites qui hypothéque­raient la qualificat­ion au soir du premier tour ou la victoire au second. Enfin, à créer une dynamique en propulsant une personnali­té dans l’opinion et en mobilisant une armée de partisans. Là est l’esprit de la primaire, tel que l’avait imaginé il y a une décennie son plus ardent défenseur en France, le socialiste Olivier Ferrand. Homme de gauche, réformiste et moderne, ce dernier croyait au débat d’idées et appelait déjà à une nécessaire clarificat­ion.

Alors, plutôt que de réduire le rendez-vous de janvier prochain à une combinaiso­n d’épiciers ou à une simple affaire de casting, saisissons la balle au bond pour en faire la première étape d’une recomposit­ion et inventer la feuille de route d’une nouvelle gauche de gouverneme­nt. Projet contre projet, vision contre vision. Pour en finir une bonne fois pour toutes avec les synthèses mortifères et les incantatio­ns stériles. Une opération de la dernière chance pour éviter l’explosion ou l’effacement.

Il faut prendre l’annonce de cette primaire pour ce qu’elle est : un aveu d’échec de François Hollande, qui a fini par s’y soumettre faute de disposer de la légitimité nécessaire pour imposer sa candidatur­e dans son propre camp.

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