L'Obs

Comment bronzer en onze romans

Leurs livres vont cartonner tout l’été, et ne sont pas nécessaire­ment mauvais. Quels auteurs, de Stephen King à Olivier Bourdeaut, emporter dans son sac de plage ?

- DIDIER JACOB

C’est le Mohammed Ali du best-seller : avec plus d’une cinquantai­ne de romans au compteur, Stephen King n’est pas seulement l’un des auteurs les plus lus au monde. Il a, pour ce qui est de l’horreur et du surnaturel, repoussé les limites du genre. Dans « Carnets noirs » (Albin Michel, 22,50 euros), un écrivain renommé se retrouve, dans la solitude de sa maison du New Hampshire, face à des cambrioleu­rs qui n’en veulent pas qu’à son pognon. Ce sont ses carnets qu’ils recherchen­t, et ses manuscrits inédits. Car le héros des romans de John Rothstein, Jimmy Gold, a mal tourné dans son dernier opus, et la bande de petits braqueurs qui débarquent chez lui veulent régler son compte à l’impudent créateur qui les a déçus. Seulement Rothstein, 80 ans, leur tient tête : « Flingue-moi ou dégage de chez moi », dit-il à l’un des fans de Jimmy Gold. Qui ne se fait pas prier, et descend le vieil écrivain. On songe à « Misery », autre roman de Stephen King où un écrivain se voyait forcé de récrire la fin de son livre sous la menace d’un lecteur forcené. Mais c’est aussi de malédictio­n qu’il s’agit dans les « Carnets noirs », ce qui ne devrait justement pas décevoir les fans les plus exigeants de Stephen King.

Si vous trouvez cependant que, contrairem­ent à son habitude, les robinets d’hémoglobin­e ne sont pas ouverts à fond dans son dernier roman, vous pouvez toujours vous consoler avec « Congo requiem » (Albin Michel, 24,90 euros), le nouveau roman de Jean-Christophe Grangé. Les aficionado­s y retrouvero­nt l’auteur des « Rivières pourpres » à son meilleur. Meurtres rituels (on avait déjà croisé « l’Homme-clou » dans son précédent livre), tortures à gogo, rafales d’AK-47, étri-

pages en série sur fond de guerres africaines. Grangé, c’est l’anti-Higgins Clark, l’anti-prout ma chère. De la littératur­e sous testostéro­ne, mais pas uniquement : la manière dont Grangé dépeint, de livre en livre, une humanité de ténèbres fait songer à la tragédie grecque ou à l’art tauromachi­que. La mise à mort est longue, patiente, technique. Féminine presque.

Pas l’ombre d’une kalachniko­v, en revanche, chez Helen Simonson, qui avait connu un succès mondial avec « la Dernière Conquête du major Pettigrew ». Et pour cause : on est dans le Sussex, juste avant la Première Guerre mondiale. Jeune prof de latin, Beatrice Nash vient d’arriver en ville à l’initiative de quelques vieilles autruches, dont Agatha Kent, une aristocrat­e du cru qu’elle surprend d’ailleurs à poil, un jour que Madame prend le soleil dans son jardin anglais. Dieu merci, Beatrice n’est pas du genre à se laisser intimider par les bigotes locales. Son rêve est de devenir écrivain. Notre Virginia Woolf en herbe n’a cependant pas prévu que la guerre allait l’obliger à revoir ses ambitions. « L’Eté avant la guerre » (Nil, 22,50 euros) vous tient en haleine, tout comme la fresque romantique de Nancy Horan, fabricante de best-sellers depuis 2007. Dans « Loving Stevenson » (Terra Nova, 22,90 euros), c’est l’écrivain Robert Louis Stevenson qui tient le premier rôle. Il est vrai que Miss Horan s’est spécialisé­e dans les amours célèbres, s’étant déjà penchée sur le cas de Frank Lloyd Wright. Fanny Osbourne, l’héroïne du livre, décide de plaquer son mari et de prendre le premier transatlan­tique pour l’Europe, avec enfants et bagages. On est au tout début du

siècle et, avec « Bob » Stevenson qu’elle ne tarde pas à rencontrer, un nouvel amour se dessine : « Elle n’avait qu’elle à o rir : non plus une jeune femme innocente, bien évidemment, mais sage et toujours jolie pour ses trente-six ans. » Les féministes appréciero­nt.

L’Amérique à portée de main

Si vous êtes du genre modeux, et que « le diable s’habille en Prada » est pour vous l’incontourn­able référence, plongez-vous dans le très rigolo et enlevé « Qui veut la peau d’Imogen Tate ? », de Lucy Sykes et Jo Piazza (Stock, 22 euros). Imogen, 42 ans, dirige un magazine de mode et fait la pluie et le beau temps dans le milieu. La fashion week est son terrain de jeu, et le Four Seasons, à New York, sa cantine

d’entreprise. Le monde de la mode ne jure que par Imogen et, dans les journaux, elle fait aussi l’unanimité : « Imogen Tate est tellement parfaite qu’on adorerait la détester, mais c’est impossible, elle est trop adorable. » Hélas, Imogen a deux ennemies : Eve Morton, la fille à diplôme dont les dents rayent le plancher, et la technologi­e. Comment s’initier à l’art du tweet pour éviter de finir au placard ? On songe à « Nouveau Stagiaire », le film où Robert De Niro débarquait dans un open space avec des geeks de 20 ans. Avec, d’entrée de jeu, un épineux problème à résoudre : trouver le bouton de démarrage de son tout nouveau MacBook Air.

Après « la Jeune Fille à la perle », roman qui s’était vendu à cinq millions d’exemplaire­s dans le monde, Tracy Chevalier raconte, dans « A l’orée du verger » (Quai Voltaire, 22,50 euros), la di cile installati­on d’un couple d’horticulte­urs dans l’Amérique du début du Tracy Chevalier n’a pas son pareil pour gre er, tailler, élaguer si bien que son roman, garanti écolo, se boit comme un jus de pomme fraîchemen­t pressé par 40 degrés à l’ombre. C’est du même côté de l’Atlantique que l’intrigue du nouveau livre de Guillaume Musso, « la Fille de Brooklyn » (XO, 21,90 euros), est appelée à se résoudre. Ecrivain, Raphaël est amoureux d’une femme qui ne lui a pas révélé tous les secrets de sa vie. Qui est-elle vraiment ? C’est la question qu’il lui pose un soir d’été. Mais Raphaël a-t-il eu raison de la pousser dans ses retranchem­ents? Traduit dans quarante langues, Musso est une machine à vendre (pas moins de 25 millions d’exemplaire­s dans le monde). Carton assuré, donc, pour « la Fille de Brooklyn », où la psychologi­e, qui l’emporte cette fois sur le thriller, est ouvragée avec un soin particulie­r.

Connaissez-vous Homer Hickam ? Cet auteur de best-sellers américain (son grand roman, « Rocket Boys », s’est hissé en tête des meilleures ventes du « New York Times ») a été soldat pendant la guerre du Vietnam, mineur, paléontolo­gue et plongeur en eaux profondes. Un sacré bonhomme à l’imaginatio­n délirante, comme en témoigne son dernier roman, « Albert sur la banquette arrière » (Mosaïc, 19,90 euros). C’est l’histoire d'un trio amoureux : un homme, une femme et un alligator. Du Lelouch revisité, en somme. La jeune épouse, Elsie, a reçu en cadeau, pour son mariage, cette jolie bestiole prénommée Albert. Seulement Homer, son mari, n’est pas d’accord pour accueillir le croco dans le foyer conjugal. Les voici embarqués dans un road trip vers la Floride, où Homer espère qu’il pourra se débarrasse­r de l’encombrant animal. C’est burlesque, loufoque, attachant. Et c’est aussi une belle évocation de l’Amérique des années 1930, l’action se déroulant pendant la Grande Dépression.

Si vos vacances sont courtes

Si, en cas de court week-end, vous risquez de n’avoir que peu de temps de cerveau disponible, emportez le recueil de nouvelles de Rose Tremain, magnifique romancière anglaise qui publie « l’Amant américain » (Lattès, 15 euros). On y croise notamment Daphné du Maurier, laquelle e ectue, dans les années 1930, un séjour au château de lord de Withers, Mandervill­e Hall, qui deviendra Manderley dans son célèbre « Rebecca ». Rose Tremain imagine une relation amoureuse entre Daphné et la gouvernant­e de Mandervill­e, Mrs.Danowski. C’est exquis comme de boire, dans la porcelaine adéquate, le thé chez l’habitant. Toujours en Angleterre, Laura Barnett entreprend, dans un astucieux premier roman, de raconter plusieurs histoires di érentes à partir du même événement. Ça s’appelle « Quoi qu’il arrive » (Les Escales, 21,90 euros), et ça se passe à Cambridge en 1958. Une jeune étudiante crève à vélo et rencontre Jim, étudiant lui aussi. Les trois versions possibles de leur histoire d’amour, que l’auteur propose alternativ­ement, sont, au choix, idyllique, décevante ou catastroph­ique. En somme, c’est du David Nicholls avec un zeste de Georges Perec.

Bojangles, vous vous souvenez? Bien avant que le premier roman d’Olivier Bourdeaut, né à Nantes en 1980, ne devienne le phénomène éditorial de l’année, « l’Obs » vous avait dit tout le bien qu’il fallait en penser. « En attendant Bojangles » (Finitude, 15,50 euros) n’a pas seulement récolté le Grand Prix RTL-Lire et le prix du roman France Télévision­s, il s’est aussi installé, depuis le mois de janvier, sur les listes des meilleures ventes, et n’en est plus jamais sorti. Si vous ne l’avez pas encore lu, n’hésitez pas à faire connaissan­ce avec les doux dingues du roman. C’est l’histoire d’une femme sublime, aimée par les siens, qui sombre dans une folie suicidaire. La petite musique de Nina Simone (elle a chanté « Mr. Bojangles », dont a été tiré le titre du livre) vous a fait danser cet hiver. Et si c’était aussi le tube de l’été ?

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