L'Obs

“Il faut une Europe efficace, donc fédérale”

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Pourquoi l’Union européenne donne-t-elle le sentiment de ne pas fonctionne­r ? Les politiques, pour masquer leurs échecs, se défaussent sur Bruxelles. Or qui est-ce, « Bruxelles » ? C’est le Manneken-Pis ? La Commission ne peut rien « décider » : elle propose. Ce sont donc les partis majoritair­es au Parlement européen et les gouverneme­nts nationaux représenté­s au Conseil qui décident. Ce sont ceux qui aujourd’hui définissen­t la politique européenne qui refusent de faire mieux fonc- tionner l’Europe, par idéologie, au nom de la souveraine­té nationale. Et donc « ça ne fonctionne pas… » Ce n’est pas « l’Europe » qui refuse la répartitio­n des réfugiés : ce sont les ministres de l’Intérieur. Ce n’est pas « l’Europe » qui, dans les affaires de terrorisme, bloque la mise en place d’un procureur européen ou d’un FBI européen : ce sont les gouverneme­nts… On ne veut pas faire le pas nécessaire : redéfinir par le haut la nécessité d’une souveraine­té européenne. On préfère laisser l’Europe en friche. Que faudrait-il faire pour que ça fonctionne ? Prenez l’exemple de la Banque centrale, dont l’indépendan­ce était autrefois décriée par la gauche. Aujourd’hui, chacun reconnaît que si on s’en sort un peu après la crise, c’est grâce à son action. Ça marche, parce que son fonctionne­ment est fédéralist­e. Il y a dix-huit gouverneur­s, ils s’engueulent, ils votent, la majorité l’emporte, et l’Allemagne est souvent en minorité. Répondre à la crise financière et économique, aux défis de la mondialisa­tion, à la dégradatio­n climatique passe par des décisions efficaces. Sur ces sujets, la souveraine­té nationale ne peut s’exercer qu’à travers la souveraine­té européenne, sinon, elle sera balayée ! Mais pour cela, il faut donner à l’Union les instrument­s de cette souveraine­té.

Prenez l’exemple de la défense. Face aux nouveaux défis, ce n’est pas la défense des frontières intérieure­s qui importe : il faut se doter d’une armée européenne. Il faut un espace politique qui contrôle cette armée… et donc redéfinir le fonctionne­ment démocratiq­ue de l’Europe… Quel fonctionne­ment imaginezvo­us ? Deux chambres qui décident : d’un côté un Parlement, avec des députés élus sur des listes transnatio­nales ; de l’autre un Sénat qui représente les gouverneme­nts, avec des règles de majorité. La Commission propose, on vote dans une chambre, puis dans l’autre. Et on arrête ces sommets ridicules avec leurs ballets de voitures. Ça ne peut pas continuer : plus les problèmes deviennent difficiles, plus on aura besoin de sortir de cette Europe en friche. Pour relancer l’Europe, par quel dossier faut-il commencer ? Plusieurs chantiers sont à mener de front : relancer l’économie autour d’un « Green New Deal » qui permettrai­t de relever les défis de la COP21. S’attaquer aux questions de défense et de sécurité. S’atteler à la modernisat­ion industriel­le de l’Europe. Enfin, l’Europe doit protéger sa précieuse diversité culturelle, condition de sa diversité démocratiq­ue.

L’ex-eurodéputé franco-allemand prône une relance de l’Union européenne, par des initiative­s concrètes et un changement des traités PROPOS RECUEILLIS PAR SOPHIE FAY ET PASCAL RICHÉ

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