Renaud en marche arrière
Dans un livre écrit par un nègre, le chanteur révèle tout : son père collabo, ses cures de désintoxication, ses SMS privés. Et ça cartonne…
COMME UN ENFANT PERDU, PAR RENAUD SÉCHAN, AVEC LIONEL DUROY, XO ÉDITIONS, 312 P., 18,90 EUROS.
Même si son autobiographie est écrite dans une langue qui n’est la sienne que par moments (c’est surtout celle de Lionel Duroy, qui a écrit le livre), Renaud se raconte comme il le fait, chanson après chanson, depuis ses débuts en marge de Mai-68 : ses amours (« Ma gonzesse », « Ma blonde »), ses enfants (« Morgane de toi », « Malone »), ses engagements (« Camarade bourgeois »), etc. Si bien que « Comme un enfant perdu » ne nous en apprend pas beaucoup plus. Si ce n’est que, pour la première fois, Renaud s’exprime, d’une part, sur un tabou : sa paranoïa pathologique, destructrice, lui qui est certain que les services secrets cubains veulent sa peau depuis un voyage sous haute surveillance au pays de Castro. De l’autre, il révèle un secret de famille : Renaud est « fils et petit-fils de collabo ». Pendant l’Occupation, son père, l’écrivain Olivier Séchan, traduisait les communiqués de la Wehrmacht pour la collaborationniste Radio-Paris. « Il a deux enfants, il faut nourrir sa famille », explique Renaud, pour le justifier. Quant à son grand-père maternel, Oscar Mériaux, c’était un communiste déçu qui avait rejoint le Parti populaire français (PPF) de Jacques Doriot. Il sera jugé et emprisonné à la Libération, mais l’honneur familial est sauf, selon son illustre petit-fils, puisqu’il « mourra avec le quotidien “l’Humanité” bien en évidence sur sa table de nuit ».
On voit que Renaud a choisi de tout dire. Et avec, souvent, une impudeur gênante. Lui qui hurle à la mort à la moindre photographie de lui volée, déballe ici sa vie intime, mais sans filtre : le contenu du journal intime de son père, les SMS de son ex-femme, ses glaires d’alcoolique matinales, ses cures de désintoxication, et même les sommes qu’il verse généreusement à des oeuvres caritatives. Il ajoute : « Aller raconter ma vie à des journaleux en radio ou dans la presse écrite, mes problèmes, mes sentiments, mes idées, ou ce qu’il en reste, ça me fait gerber d’avance. […] O rir mon âme en pâture, je trouve ça aussi obscène qu’une strip-teaseuse qui montre son cul. » Obscène, vous avez dit obscène ?