L'Obs

Bonitzer s’éclate

TOUT DE SUITE MAINTENANT, PAR PASCAL BONITZER. COMÉDIE DRAMATIQUE FRANÇAISE AVEC AGATHE BONITZER, VINCENT LACOSTE, ISABELLE HUPPERT, JEAN-PIERRE BACRI, LAMBERT WILSON, PASCAL GREGGORY (1H38).

- PASCAL MÉRIGEAU

A Nora (Agathe Bonitzer, photo), qui vient d’intégrer la société de finance qu’il a créée jadis avec son associé, un patron (Pascal Greggory) fait part de sa fascinatio­n pour le banyan. Cet arbre de la famille des ficus croît aux dépens des autres, auxquels ses branches s’enroulent. La métaphore vaut d’abord pour le film lui-même. Sur l’intrigue directrice, plusieurs autres viennent se gre er, qui se révèlent essentiell­es. Si l’histoire est celle de la rencontre de Nora et de Xavier (Vincent Lacoste, photo), rival, puis partenaire obligé et bientôt amant, elle est aussi celle de son père, Serge (Jean-Pierre Bacri), des deux patrons de Nora (Lambert Wilson et Pascal Greggory), de l’épouse de l’un d’eux, Solveig (Isabelle Huppert), qui se trouve être aussi le grand amour perdu de Serge, lequel… Arrêtons-là, « Tout de suite maintenant » n’est pas un film qui peut se raconter sans qu’on n’en perde rien. C’est même le contraire précisémen­t.

Le présent y importe moins que le passé, dont les personnage­s ne se défont pas. Il provoque des vagues sur la surface trop plane de leur existence, au hasard des situations et des conversati­ons. Ainsi, lorsque dans la cour d’un hôpital Solveig, étudiante en khmérologi­e, épouse déçue qui marche au vin blanc le matin et à l’armagnac le soir, retrouve Serge, mathématic­ien dépressif. Le temps d’un travelling arrière, ce qu’ils se disent compte moins que les sentiments qui a eurent, les blessures ouvertes à jamais, et alors Huppert et Bacri sont magnifique­s. Entre les personnage­s qui ont le même âge que Bonitzer et ceux de la génération de sa propre fille, le film ne fait pas mine de balancer : les seconds le concernent bien davantage. Impression renforcée par l’expertise dont font montre les comédiens les plus expériment­és. De même que le banyan étou e les arbres auxquels il impose sa propre croissance, les branches des récits apparemmen­t subalterne­s puisent leur sève dans l’intrigue maîtresse, achevant de la réduire à un joli prétexte. C’est à la fois une possible faiblesse, c’est aussi la force et l’originalit­é d’un film superbemen­t écrit et interprété. Il restitue en mode sombre les tonalités qui, déjà, faisaient le prix de « Cherchez Hortense ». Tout de suite, d’accord, en sachant bien que l’on n’a rien sans rien.

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from France