“La prohibition n’est pas un échec”
La guerre contre la drogue se révèle inefficace en France… Je pense au contraire que la prohibition n’est pas un échec. A moins de croire que les lois contre les toxicomanies sont faites pour éradiquer totalement un comportement, ce qui n’est pas le cas. Si l’on compare la consommation de produits illicites, soit le cannabis et toutes les drogues, à la consommation de produits autorisés sur des marchés organisés, à savoir l’alcool et le tabac, je dis que la loi pénale limite la consommation de cannabis : il y a 12 millions de consommateurs réguliers d’alcool, 13 millions de fumeurs et moins de 4 millions de fumeurs de cannabis réguliers. Autrement dit, l’interdiction et la répression contiennent malgré tout l’usage d’un produit dangereux et nocif. Je ne pense pas qu’en levant l’interdit sur le cannabis, les jeunes usagers majeurs seront moins intéressés. On risque au contraire de voir les trafiquants se déplacer davantage sur le marché des mineurs. Les partisans de la légalisation affirment pourtant que c’est le seul moyen de casser les trafics et le marché de la drogue aujourd’hui… L’argument économique n’est pas convaincant. Si, comme dans le Colorado, on confie au secteur privé le soin d’organiser le marché, les sociétés qui se lanceront n’auront qu’une seule obsession : augmenter le nombre des acheteurs et vendre le plus de produit possible. Ce qui est déjà le cas aux Etats-Unis. Imaginez qu’un jour le cannabis ne soit plus considéré comme un produit dangereux par les instances internationales et que Philip Morris veuille y investir, je vous prédis que le groupe n’aura pas le souci de faire baisser la consommation dans le monde ! Par ailleurs, si la légalisation débouche sur un commerce d’Etat comme en Uruguay, on aura forcément droit à une augmentation de l’usage. Parce qu’il y aura un appel d’air. Nous en aurons le coeur net d’ici un ou deux ans, après un premier bilan dans ces deux lieux tests. Que faut-il faire selon vous pour que la consommation cesse d’augmenter en France ? Il est largement temps de simplifier la lutte contre la consommation, de systématiser les réponses pénales utiles et de supprimer celles qui sont stupides, comme la prison pour les usagers. Les concernant, il faut mettre en place les travaux d’intérêt général et tout l’attirail des contraintes dans la vie courante, comme la suppression de l’abonnement au portable ou l’interdiction d’utiliser sa voiture ou son scooter. (*) Mission interministérielle de Lutte contre la Drogue et les Toxicomanies.