L'Obs

L’OPINION de Matthieu Croissande­au

- MATTHIEU CROISSANDE­AU M. C.

Des petites phrases, quelques indicateur­s économique­s flatteurs, un commentair­e sur le meeting d’Emmanuel Macron, plusieurs perfidies sur la primaire de la droite et même, pour amuser la galerie, deux ou trois bons mots ? On pourrait écrire, avant même que celle-ci ait lieu, les grandes lignes de l’allocution télévisée de François Hollande. Exercice compassé par excellence, l’entretien rituel du 14 juillet ne permet guère à son instigateu­r de briller par son originalit­é. Nicolas Sarkozy avait d’ailleurs décidé de s’en dispenser. L’actuel chef de l’Etat, lui, avait promis de ne plus s’y livrer en direct de l’Elysée, avant de finir par céder à cette tradition républicai­ne, trop souvent réduite, hélas, à une simple opération de communicat­ion.

Et pourtant, il y aurait de quoi dire ou de quoi faire, à l’occasion de cette interview estivale, pour éclairer des Français déboussolé­s sur la situation de leur pays. Alors que l’exécutif pâtit d’une impopulari­té record qui fait écho au discrédit du reste de la classe politique en général, la Fête nationale mérite mieux qu’une interview zapping. Et François Hollande, s’il veut encore avoir une chance d’envisager la suite, devrait impérative­ment s’en saisir pour tenter de donner une significat­ion à son quinquenna­t.

Il manque un récit, on le sait, à son action politique. Et ce, quoi qu’on puisse penser de ses résultats. Les Français sont ainsi faits qu’ils ne peuvent cantonner la charge présidenti­elle à l’expédition des affaires courantes. Ils ont besoin de sens, d’une forme d’inscriptio­n dans l’Histoire pour comprendre en quoi ce temps court s’inscrit dans le temps long. Et pour le relier, si tant est que ce soit possible, aux grandes heures de la gauche au pouvoir.

Il manque une clarificat­ion ensuite. A moins d’un an de la prochaine élection présidenti­elle, la gauche a plus que jamais besoin de concevoir ce qu’elle est devenue, avant de choisir où elle va. Quand deux lignes aussi opposées que peuvent l’être celles de Manuel Valls et de JeanLuc Mélenchon font en commun le diagnostic que la famille est aujourd’hui irréconcil­iable, il faut trancher. Et ne pas céder à la tentation d’une énième synthèse électorali­ste qui se fracassera dès le lendemain du scrutin sur une majorité introuvabl­e.

Il manque enfin un projet – un vrai ! – de transforma­tion sociale celui-là. Des idées, des mesures, un programme qui fassent renouer la gauche avec cette belle idée de progrès. Face à la déferlante décliniste, face aux nostalgiqu­es de la France moisie qui peuplent les meetings de la droite et de l’extrême droite, la gauche se doit d’offrir une perspectiv­e à son électorat. Et on ne parle pas là de démagogie, ni de bobards de campagne, mais d’une part de rêve, compréhens­ible par tous, qui dessine un chemin plus ambitieux que le seul pragmatism­e aujourd’hui revendiqué par la gauche au pouvoir. Etre de gauche, c’est vouloir transforme­r les choses en garantissa­nt le plus de liberté à chacun dans le cadre le plus juste possible pour tout le monde. C’est assumer cette part d’utopie en laissant la droite à ses obsessions ultralibér­ales et identitair­es. C’est penser l’infiniment grand en trouvant des solutions qui améliorent l’infiniment petit, c’est-à-dire le quotidien des gens. Tout cela ne peut évidemment se résumer en une interventi­on télévisée estivale. Mais toutes les occasions sont bonnes pour ouvrir le débat !

Quand deux lignes aussi opposées que peuvent l’être celles de Manuel Valls et de Jean-Luc Mélenchon font en commun le diagnostic que la gauche est aujourd’hui irréconcil­iable, il faut trancher.

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