L'Obs

Voyages dans l’espace imaginaire

Voici déjà deux millénaire­s que l’homme voyage dans l’espace grâce à la littératur­e, à la BD ou au cinéma ! Et il y a de drôles de rencontres à faire, là-haut

- ARNAUD GONZAGUE

c’est un petit pas pour la science, mais un grand pas pour l’imaginatio­n : les hommes n’ont pas attendu que leur technologi­e leur permette de s’arracher à l’attraction terrestre pour aller musarder dans l’espace, loin de là. Dès Lucien de Samosate (IIe siècle) et ses « Histoires vraies », le tout premier voyage intersidér­al qui nous soit parvenu, le lecteur peut suivre le périple de navigateur­s qui, emportés par une (très grosse) vague, rejoignent la Lune « en sept jours et sept nuits ». Farfelu ? Pas complèteme­nt : en 1969, la mission Apollo 11 qui permit à l’homme de mettre le pied sur l’astre de la nuit mettra, elle... huit jours. Bon d’accord, Lucien de Samosate ne s’embarrasse pas outre mesure de vraisembla­nce technique : dans son « Icaroménip­pe ou le Voyage au-dessus des nuages », il imagine que son héros décolle en direction de l’espace en s’attachant simplement des ailes d’aigle et de vautour... Ses successeur­s ne feront pas beaucoup mieux : dans « l'Homme dans la Lune » (1638), Francis Godwin attelle un char tiré par des oies sauvages, et son personnage découvre avec surprise (nous aussi) que lesdites oies migrent jusqu’à la Lune.

Savinien de Cyrano de Bergerac – pas le bretteur à long nez de Rostand, mais le vrai Cyrano, qui a été un auteur libertin du Grand Siècle – recommande une recette plus poétique dans ses « États et Empires de la Lune » (1657) pour quitter la Terre. Un matin, enfilez une ceinture de fioles contenant de la rosée. Comme chacun sait, la chaleur du soleil la fait s’évaporer, donc s’élever dans les airs. Hop ! Elles vous emporteron­t là-haut. Ce qui est sans doute moins dangereux que la méthode préconisée par David Russen dans « Iter Lunare » (1703), c’est-à-dire la catapulte à ressort, moins coûteuse que le voyage en montgolfiè­re imaginé par Edgar Allan Poe dans son « Aventure sans pareille d’un certain Hans Pfaal » (1835) et beaucoup, beaucoup moins compliquée que l’idée de l’Irlandais Murtagh McDermott dans « Un voyage dans la Lune » (1728) : sept mille barils de poudre à canon pour propulser dix vaisseaux de bois ! Ou alors, il faut être capable de chevaucher un hippogriff­e (mi-cheval mi-aigle) comme Roland dans « Roland furieux » (1516) de l’Arioste ou être en mesure d’appeler un démon, comme celui qui emporte Duracotus jusqu’à Levania (la Lune) dans « le Songe » (1634), une fantasmago­rie de l’astronome Johannes Kepler. A moins qu’on ne choisisse de mettre la main sur du lunarium, un matériau aimanté par la Lune capable d’emporter vers la voûte céleste tout engin qui en contient comme dans « A Voyage to the Moon » (1827) de Joseph Atterly…

On peut rire de toutes ces billevesée­s : il est quand même un auteur de science-fiction qui a presque tout anticipé un siècle avant Neil Armstrong, c’est Jules Verne. Son diptyque « De la Terre à la Lune » (1865) et « Autour de la Lune » (1869), qui est à la pointe

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