L'Obs

MONDOVISIO­N

- par Pierre Haski

Je ne pensais pas qu’un jour un candidat sérieux pour la présidence des Etats-Unis pourrait constituer une véritable menace pour la sécurité du monde occidental. Mais voilà où nous en sommes »… Sur son compte Twitter, Carl Bildt, l’ancien Premier ministre et chef de la diplomatie suédoise, un homme de droite considéré comme un fervent atlantiste, ne cache pas son dépit. C’est évidemment à Donald Trump qu’il fait référence, après les déclaratio­ns désinvolte­s du candidat républicai­n à la Maison-Blanche sur la sécurité des Etats baltes, son invitation à la Russie à hacker les e-mails de sa rivale démocrate, Hillary Clinton, ou encore ses tirades contre l’islam.

Ce qui e raie Carl Bildt, mais aussi la quasi-totalité de l’establishm­ent américain de politique étrangère et les chanceller­ies des pays alliés des Etats-Unis, ce ne sont pas tant les positions hétérodoxe­s de Donald Trump que son inculture abyssale sur le reste du monde et sur ses enjeux stratégiqu­es. Il faut lire la retranscri­ption intégrale de l’entretien du candidat républicai­n avec David Sanger et Maggie Haberman dans le « New York Times », parue le 21 juillet, pour le réaliser. La liste de ses approximat­ions et de ses a rmations gratuites ou vagues est infinie, tout comme sa posture narcissiqu­e, qui réduit les relations internatio­nales à l’estime personnell­e de Donald Trump pour tel ou tel dirigeant, au hasard Vladimir Poutine ou Recep Tayyip Erdogan.

C’est évidemment la relation de Donald Trump avec la Russie de Poutine qui inquiète le plus. La légèreté avec laquelle le candidat républicai­n à la MaisonBlan­che a évoqué une possible interventi­on de la Russie chez ses voisins baltes sans que s’applique automatiqu­ement la protection garantie par l’article 5 du traité de l’Otan a semé l’e roi dans ces pays qui se pensaient protégés. Tout aussi intrigante est la modificati­on in extremis de la plateforme républicai­ne pour l’élection de novembre, pour en retirer le passage très dur sur l’Ukraine. Le mélange d’amateurism­e et d’« apaisement » peine à produire une politique étrangère et de sécurité très cohérente.

Pour cette raison, les experts internatio­naux de la mouvance républicai­ne ont déserté, et certains apportent désormais leur soutien à Hillary Clinton. Parmi eux, on trouve quelques néoconserv­ateurs comme Robert Kagan, fervent partisan de l’interventi­on en Irak en 2003, qui participai­t récemment à un dîner de levée de fonds baptisé « Les profession­nels de politique étrangère pour Hillary Clinton »… D’autres personnali­tés républicai­nes pourraient suivre cette voie, comme Colin Powell, l’ancien secrétaire d’Etat de George W. Bush.

Et c’est là toute l’ambiguïté de la candidate démocrate : si elle est assurément plus rodée, plus compétente sur les questions internatio­nales, est-elle pour autant plus « rassurante » ? Hillary Clinton a en effet une vision très « guerre froide » du monde, avec la volonté de « contenir » Moscou et Pékin, une ferveur messianiqu­e sur le modèle américain, et un penchant interventi­onniste à l’ancienne. Si la prudence de Barack Obama a laissé faire le désastre syrien, faut-il pour autant revenir aux méthodes qui n’ont pas fait leurs preuves en Irak ou en Libye ? Ne faut-il pas développer de nouvelles approches, qui passeront, nécessaire­ment, par des discussion­s et des accords avec Moscou ?

Si le choix est celui du « moins pire », comme dans beaucoup de démocratie­s en ce moment, Hillary Clinton l’emporte aisément face à l’improvisat­ion anxiogène de Donald Trump. Pour autant, il n’est pas certain que la candidate démocrate aide à apaiser un monde confronté à une inquiétant­e montée des périls.

Si le choix est celui du “moins pire”, comme dans beaucoup de démocratie­s en ce moment, Hillary Clinton l’emporte aisément face à l’improvisat­ion anxiogène de Donald Trump.

Newspapers in French

Newspapers from France