L'Obs

Entre les gri es d’Idriss Déby

Menacés, emprisonné­s, enlevés, les opposants au despote africain, qui entame son cinquième mandat, accusent la France de fermer les yeux pour ménager son allié stratégiqu­e dans le Sahel

- DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL À N'DJAMENA JEAN-BAPTISTE NAUDET

La nuit est déjà tombée, ce 6 juillet, lorsque Mahamat Abdelkarim arrive à moto au rond-point Chagua. En ce jour de l’Aïd, N’Djamena, qui sort de la torpeur du mois de ramadan, est en fête. Mahamat Abdelkarim ne les voit pas venir. Cinq hommes en civil, le visage caché par des turbans, descendent subreptice­ment d’une voiture. Ils l’encerclent. L’un d’eux brandit une machette. Et frappe. Le sang gicle sur sa main. « Quand comprendra­s-tu que tu dois arrêter de chanter pour l’opposition ? », lancent-ils avant de disparaîtr­e. Depuis, ce chansonnie­r vedette de 34 ans, ce griot moderne qui a mis ses couplets politiques composés en arabe tchadien au service du principal parti d’opposition, n’ose plus sortir de chez lui. C’est la deuxième agression qu’il subit en quelques semaines. La dernière fois, il avait été violemment percuté de dos par une Toyota Corolla blanche. Quatre hommes en étaient sortis et l’avaient roué de coups alors qu’il était à terre. Pendant des jours, il avait boité et uriné du sang. Avant de partir, ils l’avaient averti : « Tu en auras encore plus après l’investitur­e. » « Je suis courageux, mais, là, ça devient dangereux », s’inquiète Mahamat Abdelkarim en montrant la vilaine entaille qui fend maintenant sa main bandée. « Je ne peux plus chanter. » Ce père de deux petits enfants se sait désormais traqué par l’Agence nationale de Sécurité (ANS), la police politique d’Idriss Déby Itno. Le « lion de l’Afrique », qui tient le pouvoir depuis vingt-cinq ans d’une main de fer, sera réinvesti le 8 août prochain pour un cinquième mandat dans un climat de peur. Sans que la France y trouve rien à redire.

Idriss Déby, militaire de carrière de 63 ans arrivé au sommet de l’Etat par les armes en 1990 après avoir renversé son prédécesse­ur, est devenu le grand ami de

 ??  ?? Le président Déby ici dans son village natal d’Amdjarass en janvier. Au pouvoir depuis plus de vingt-cinq ans, il sera réinvesti le 8 août pour cinq ans.
Le président Déby ici dans son village natal d’Amdjarass en janvier. Au pouvoir depuis plus de vingt-cinq ans, il sera réinvesti le 8 août pour cinq ans.

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