L'Obs

Les campeurs

Ils veulent donner du sens à leurs vacances, en profiter pour devenir nomades, se rapprocher de la nature et de la vie simple des années 1970. Alors ils campent, dans un trois-étoiles vintage ou dans le champ d’un permaculte­ur, et postent vite cette belle

- par SÉVERINE DE SMET illustrati­on STÉPHANE TRAPIER

C’est une constante depuis des années : le camping reste le mode d’hébergemen­t préféré des Français, avec 113 millions de nuitées dénombrées par les profession­nels du secteur en 2015, contre seulement 105 millions en hôtel. Les camping-cars se vendent comme des petits pains, et la tente Quechua est presque devenue un nom commun, comme le Frigidaire, le Botox ou le Scotch… Qu’on se le dise : camper n’est pas ringard, camper n’est pas un truc de has been! Et le camping, n’en déplaise à Fabien Onteniente (réalisateu­r de « Camping » 1, 2 et 3) ou Laurent Ournac (comédien dans « Camping Paradis » sur TF1) ne se nourrit pas forcément des clichés qui ont émergé avec les grands centres de vacances, leurs piscines géantes, leurs sanitaires suréquipés et la population en surnombre. Mon voisin va faire la vaisselle en slip et on le retrouve en famille pour la soirée dansante des Flots Bleus… Cette image d’Epinal n’est pas celle de l’itinérant version 2016, qui a le souci de l’écologie, de l’atypique et du partage. Le « nomadisme » saisonnier possède autant d’images que de types de campeurs et n’en finit pas de se renouveler. Il serait même aujourd’hui frappé par la grâce et le chic du glamping (contractio­n de « glamour » et de

« camping ») incarné par des gypset (contractio­n de « gypsy » et de « jet set ») qui ont fait de la sédentarit­é leur ennemi. « Si le camping dure aussi longtemps et reste numéro un, c’est parce qu’il n’a jamais cessé de se diversifie­r », explique Olivier Sirost, sociologue des loisirs. « La pratique continue de se massifier depuis les années 1980 et aujourd’hui il y a un camping pour tout le monde » Certes, les vastes complexes sont toujours plébiscité­s, ne serait-ce que pour leur relatif faible coût. Les côtes françaises, de la Manche à la Méditerran­ée, restent les destinatio­ns prisées. Mais le camping s’entend dans un sens « populaire » large : « Il touche le peuple et la société dans sa globalité », rappelle Olivier Sirost. Une tente et un terrain pour des étudiants, un troisétoil­es pour une famille, une yourte de luxe pour les plus fortunés… Ce qu’on recherche, c’est cette promesse de vie simple, de quotidien rompu. Yasmine Haun, Française basée en Allemagne, a lancé en 2013 le site France écotours, qui propose circuits à vélo, en roulotte, accueil en cabanes ou à la ferme spécialisé­e en permacultu­re, pour touristes allemands, belges et français. « Nous avons sélectionn­é les hôtes avec soin, et avec une philosophi­e. Les gens sont à la recherche de sens, aussi bien ceux qui proposent des solutions d’hébergemen­t tout en partageant leur savoir-faire, que les vacanciers. Nous sommes sous le flot des informatio­ns, de l’immédiatet­é, ce que l’on veut, ce sont de vrais réseaux sociaux, plus petits certes, mais plus enrichissa­nts et plus concrets. » Pour Olivier Sirost, le camping, du plus sommaire au plus luxueux, ne serait que l’expression de « la Pensée sauvage », grande oeuvre de l’ethnologue Claude Lévi-Strauss parue en 1962. Vues de cette hauteur, la Quechua et la caravane prennent une tout autre dimension, non ?

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