L'Obs

LA MODE POUR TOUS

Même dans le quasi plus simple appareil, vêtement reste important. En plongeant du rocher, on dit encore qui l’on est

- par Sophie Fontanel

Aussi en vacances qu’ait l’air d’être votre serviteuse, elle reste d’une extrême curiosité vis-à-vis des atours. Me voici sur l’île d’Hydra, en Grèce. Cette île ne possède pas de plages de sable et, pour aller dans l’eau, il faut des chaussures appropriée­s. Ici, c’est tru é d’oursins, et d’angles comme a ûtés sur chaque caillou. Nous appelons ça « la douceur de vivre ».

Ce que nous faisons tous, en accostant au port pimpant d’Hydra, c’est d’aller nous acheter des tatanes pouvant aller dans l’eau.

Par exemple, je suis allée hier accueillir deux nouveaux estivants. Les gens arrivaient de Paris au bout de quelque sept heures de voyage, mais cela ne saurait expliquer, à mes yeux, ce qui va suivre.

En e et, après avoir posé les valises à l’hôtel, nous voici tous à faire un tour sur le port, où mes amis devaient acheter des « chaussures pour se baigner ».

Nous entrons dans la première boutique venue et mes amis, que font-ils ? Ils attrapent la première paire de tatanes de plongée possibles et ils demandent leur taille. Leur taille, autant vous dire, y a. Le tenancier exquis du magasin d’articles de plage fouillasse dans un monceau de stock et extirpe deux 39. Contenteme­nt extrême des amis, comme s’ils l’avaient échappé belle, des fois qu’y aurait rien eu pour eux. Contenteme­nt, ALORS que la paire proposée par le tenancier n’a pas du tout les mêmes cou- leurs que celles que mes amis tiennent encore dans leurs mains. Mes amis essaient ce qu’on leur propose. Ça leur va. Ils disent : « C’est bon. »

Comment ça, « C’est bon » ? Vous allez peut-être penser que mes amis n’avaient pas de bol de partir pile en vacances avec la Mode pour tous en personne ? Toujours est-il que j’ai dit ma façon de penser.

J’ai plaidé que ces tatanes n’étaient pas démentes. Et vous savez quoi, mes amis l’admettaien­t, mais ils s’en foutaient. J’ai plaidé qu’elles ne montaient pas assez sur le pied, et que le orange et mauve ça faisait nase, ils s’en foutaient. « On s’en tape, c’est pour se baigner », leur semblait même être un embryon satisfaisa­nt de réponse.

C’est-à-dire que les gens attendent un an ces trois semaines de vacances, choisissen­t un de plus beaux endroits du monde pour venir les passer, et aspirent, ici, à retrouver un peu de leur superbe… et la première chose qu’ils font, c’est de se conchier avec les mauvaises tatanes !

Deux heures plus tard, nous étions dans l’eau. Moi, j’avais des méduses merveilleu­ses glanées sur le port (photo), et les nouveaux arrivants portaient, eux, leurs tatanes rutilantes. Ils ont immédiatem­ent admis que les méduses étaient mieux, plus Riviera, plus enfantines, plus rétro, plus ouvertes, plus joyeuses et plus mieux, comme qui dirait. Mais c’était trop tard. Ils sont partis se baigner moins splendides qu’ils n’auraient pu l’être. Comment qu’il allait faire, leur corps, pour exulter avec des pieds plombés ?

Morale de l’histoire: ne jamais rien céder sur l’esthétique. Même quand le cerveau se repose.

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