L'Obs

J. K. Rowling

La romancière met fin aux aventures de son sorcier avec “Harry Potter et l’enfant maudit”, une pièce de théâtre adaptée en livre qui sortira en France en octobre

- DAVID CAVIGLIOLI

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INTELLO PRÉCAIRE J. K. Rowling reproche parfois aux journalist­es d’exagérer sa détresse sociale d’avant « Harry Potter ». Au milieu des années 1990, mère célibatair­e, sans emploi, dépressive, elle venait de divorcer d’un journalist­e portugais. Diplômée de la prestigieu­se université d’Exeter, elle pouvait enseigner, mais s’était donné du temps, au chômage, pour finir son roman. Plus « intello précaire » que prolétaire.

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MAUVAISE FOI En même temps, elle a entretenu le mythe. Elle a par exemple dit : « Je devais choisir entre acheter de la nourriture ou un ruban de machine à écrire. » Elle s’est décrite comme ayant vécu dans une « pauvreté abjecte ». Lors d’un discours à Harvard, elle a a rmé avoir été « aussi pauvre qu’on peut l’être aujourd’hui en GrandeBret­agne sans être SDF ».

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SON PÈRE Elle a grandi à Tutshill, charmant village gothique du sud-ouest de l’Angleterre. Son père était ingénieur chez Rolls-Royce. Sa mère, aujourd’hui décédée, sou rait de la sclérose en plaques. Elle s’entendait mal avec son père, mais n’a jamais dit pourquoi. Leur rupture définitive survient en 2003 : il vend chez Sotheby’s ses exemplaire­s dédicacés de « Harry Potter », dont un pour 48 000 dollars.

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SAC À VOMI Elle a gri onné l’idée de Harry Potter en 1990 sur une serviette en papier dans un train Manchester-Londres qui avait du retard. Les noms des maisons de Poudlard (Gry ondor, etc.) ? Notés sur un sac à vomi dans un avion. Elle a du talent pour trouver des noms propres. Elle a rempli plusieurs carnets de mots en q avant de trouver « quidditch ».

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SMARTIES Le premier tome de « Harry Potter » a été refusé par douze éditeurs. En 1997, Bloomsbury, petite maison très littéraire qui vient de lancer une collection jeunesse, le prend pour 2 000 livres et le tire à 1 000 exemplaire­s. Il marche plutôt bien, grâce au bouche-à-oreille. Mais le vrai succès survient lorsqu’il reçoit le prix Smarties, organisé par Nestlé en partenaria­t avec des écoles primaires.

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TABLOÏDS Dans « Harry Potter », le personnage de Rita Skeeter, journalist­e vicieuse, résume bien ce que Rowling pense de la presse. En 2011, en plein scandale « News of the World », elle a publiqueme­nt dénoncé les pratiques des tabloïds, racontant qu’un jour sa fille était rentrée de l’école avec une demande d’interview glissée dans son cartable par un reporter. (Les journalist­es britanniqu­es ont fait bien pire, cela dit.)

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FORTUNE Milliardai­re, on la dit « plus riche que la reine ». Elle salarie une équipe de conseiller­s, de secrétaire­s, d’assistants personnels. Elle se déplace en jet privé. Elle donne beaucoup aux fondations caritative­s. Elle dit ne pas être dépensière. Mais, pour agrandir une de ses trois propriétés, elle a acheté la demeure mitoyenne (1,6 million de dollars) afin de la démolir.

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AVOCATS Ses avocats sont actifs. Beaucoup de procès contre tout ce qui utilise abusivemen­t la frimousse de Harry : sites de fans, auteurs et éditeurs de livres dérivés. Avec la presse, Rowling demande à tout relire, et exige parfois de choisir l’interviewe­r, la date de parution des articles, les titres, les illustrati­ons, jusqu’aux légendes des photos.

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ÉMEUTES Le phénomène mondial et les émeutes en librairie commencent véritablem­ent en 2000, avec le quatrième tome. Lors d’un événement public à la gare de King’s Cross, à Londres, c’est la cohue. Des parents se battent, se marchent dessus. Rowling prend peur, et s’enfuit. Une responsabl­e de Bloomsbury estime que c’est à ce moment qu’elle a commencé à s’isoler, derrière des rideaux d’avocats, d’assistants et de gardes du corps.

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FUITES Avant publicatio­n, ses romans sont cadenassés par des accords de confidenti­alité stricts. Pour les derniers « Harry Potter », les fuites valaient de l’or. Ses poubelles étaient fouillées, son courrier volé. Des journalist­es payaient ses amis, ses imprimeurs. Chez elle, tout était mis sous clé ou broyé. Elle ne pouvait parler à personne, hormis à son mari qui en bon mari ne l’écoute qu’à moitié et oublie tout ce qu’elle dit.

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