QUELLE EST LA PRINCIPALE MENACE QUI PÈSE ENCORE SUR LES FEMMES EN FRANCE ?
L. Rossignol Le relativisme culturel. L’universalité des droits des femmes n’est pas le déni de cultures di érentes. C’est simplement le droit au même droit, partout : pour les Sud-Américaines, qui sont dans une situation dramatique en matière de droit à l’IVG – au Brésil, pays qui, par certains aspects, donne une impression d’immense liberté sexuelle, l’Eglise catholique alliée aux évangélistes est déterminée à empêcher la légalisation de l’avortement –, pour les Polonaises, les Chinoises et les Saoudiennes. En France, il s’agit de garantir à toutes les femmes l’accès à ces droits. Quand je vois que, dans des quartiers, les femmes disparaissent de la rue parce que leur est faite l’injonction que l’espace public est masculin, je considère que mon rôle est de garantir l’accès à l’espace public à toutes les femmes et de rappeler qu’il n’y a pas en France de traditions culturelles ou religieuses qui pourraient se substituer aux garanties d’égalité entre les femmes et les hommes. Et ça concerne tous les traditionalismes. La querelle autour de l’« ABCD de l’égalité », par exemple, c’était la convergence des traditionalistes catholiques et des imams. Ce sont eux qui ont provoqué le recul.
C. Autain Les politiques d’austérité et de réduction des dépenses publiques qui empêchent de conforter les mécanismes favorisant l’égalité réelle. Ce sont les temps partiels imposés, le chômage de masse, les centres IVG qui ferment faute de moyens, le soutien aux associations qui fond comme neige au soleil… Il y a un besoin de politiques publiques qui renforcent les missions de service public et se donnent les moyens humains et matériels d’installer l’égalité réelle en faisant de la prévention, de la formation et de l’accompagnement. C’est la priorité. Autre menace, le relâchement, l’idée qu’on aurait gagné, comme si l’émancipation des femmes ne concernait plus que les milieux prétendus barbares et n’était menacée que par l’obscurantisme religieux. La question du féminisme ne doit pas être cantonnée à certains quartiers, à certaines populations. La lutte contre l’intégrisme religieux est évidemment un enjeu pour les femmes, mais il faut créer des passerelles plutôt qu’isoler, cliver. Par exemple, si je me suis opposée au terme de « tournante », c’est parce que ce terme faisait croire que le viol collectif n’existait plus que dans les banlieues. Ce qui est faux et ne permet pas de relier les combats émancipateurs.