L'Obs

LA MODE POUR TOUS

par Sophie Fontanel

- par SOPHIE FONTANEL

Votre serviteuse poursuit son éreintante enquête sur les habits dans les lieux de vacances. Envoyée sur l’île d’Hydra, en Grèce (je propose que « l’Obs » ne me compte pas ce séjour comme congé), je me suis rendu compte, une fois sur zone, que j’avais oublié à Paris mes maillots de bain. En divers endroits, au Vatican par exemple, ce genre d’oubli serait gérable. Sur l’île d’Hydra, ça ne l’est pas. J’ai bien essayé de me baigner en slip et en soutif, mais c’était transparen­t. Il a fallu se mettre en quête d’un maillot véritable.

La petite bourgade d’Hydra n’est pas le trou du cul du monde. C’est l’île la plus riche de Grèce, où vont les gens les plus riches de Grèce. Ici, on a des boutiques. Les gens sautent des yachts avec des fringales de shopping. J’ai même vu le couturier Valentino, il y a quelques jours, léchouille­r une vitrine. Et pourtant ç’a été la croix et la bannière pour trouver un maillot. Tout simplement parce que c’est une des choses les plus di ciles qui soient. Entendons-nous, Hydra regorge de maillots de bain. Juste, ils sont tous comme l’illustrati­on du problème immense soulevé par ce petit bout de tissu : un peu comme la politique, ça ne va jamais.

D’un côté, nous avons les mauvaises coupes. Le truc, a priori pensé pour le corps féminin, en fait a été dessiné par un aveugle. Il cache mal le pubis, par exemple. Dans le miroir, tout votre bas ressemble à un selfie de Raspoutine. D’un autre côté, nous avons les mauvaises tailles. Si la culotte va, alors le soutif (correspond­ant) ne va pas avec. Il est toujours trop petit, même si vous n’avez pas de seins ( je n’ai testé que les maillots féminins…). Vous l’enfilez, soudain vous êtes obscène. Vous refusez de sortir de la cabine et, si c’est la vendeuse qui y entre pour voir un peu l’ambiance avec vous, elle ressort écarlate, comme s’il y avait une catégorie « soutif trop petit, cabine en folie » sur YouPorn. Ensuite, vous avez les motifs immondes. Je mets en tête des catastroph­es les têtes de dragon avec placements de paillettes dorées de part et d’autre de la bête. Ensuite, il y a les sales matières. On transpire dedans même dans l’eau. Ensuite… Je vous le fais bref, c’est dans la boutique la plus chère de l’île que j’ai trouvé un maillot, un Erès. Les vacances faisant parfois oublier les réalités, il ne m’a même pas semblé si hors de prix! En discutant avec la vendeuse, j’ai appris que la conception d’un maillot de bain, sa matière, sa couleur, sa forme, son ergonomie pourrait-on dire, tout ça est l’objet d’une science. Et le plus petit, le plus saisonnier, le plus négligeabl­e des habits réunit à lui seul tout ce que l’art de modéliser, de couper et de coudre fait de plus fin. Seul le savoir-faire de la bonneterie sait penser une seconde peau. J’ai sauvé la mienne pour 450 euros. Ce maillot, ô que je l’aime (photo). D’un chic ! En plus il ne va pas trop s’user, quand j’hésite à plonger avec. Je l’ai fait une fois, le soutif s’est barré. Fallait pas prendre bandeau.

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