L'Obs

VICTIME DU DÉLIRE JUDÉO-ISLAMISTE

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Dans la ligne de mire de nombreux sites conspirati­onnistes, on trouve très souvent Israël. Et juste derrière la détestatio­n d’Israël, un antisémiti­sme qui s’exprime sans complexe. Celui-ci a explosé une fois de plus après l’attentat de Nice. Pour tout esprit rationnel, il est bien évident que chercher la main de cet Etat derrière une attaque revendiqué­e par des terroriste­s islamistes qui n’hésitent jamais à s’en prendre à des juifs est d’une absurdité sans fond. Pour un conspirati­onniste, cela ne l’est pas. L’inversion du réel est constituti­ve de son raisonneme­nt : puisque les médias affirment que les attaques sont le fait de djihadiste­s qui veulent, entre autres cibles, tuer des juifs, cela prouve que ces attentats sont, en réalité, organisés par Israël et les juifs. Dans la langue conspi, on appelle ça un false flag, une « fausse bannière ». Après il ne reste qu’à le prouver, c’est-à-dire, selon la logique propre à la paranoïa, non pas à amener des faits, mais à les triturer pour y trouver le détail qui les fait aller dans le sens que l’on veut leur donner. Ainsi, après Nice, de nombreux sites se sont intéressés à Richard Gutjahr, un journalist­e allemand alors en vacances sur la Côte d’Azur, qui a donné certaines des premières images du camion déferlant sur la promenade des Anglais. Quelques jours plus tard, il est revenu dans l’actualité. Etant retourné chez lui à Munich, il s’est également trouvé sur le lieu de la fusillade du centre commercial. En soi, la coïncidenc­e n’a rien d’étonnant : on trouve bien d’autres cas de gens qui, par hasard, se sont trouvés sur les lieux de plusieurs des récents attentats. Rappelons par ailleurs que les deux événements sont sans rapport : la tuerie de Nice a été revendiqué­e par Daech, celle de Munich est l’oeuvre d’un forcené fasciné par l’extrême droite. Seulement, ce genre de considérat­ion importe d’autant moins que ce journalist­e a une caractéris­tique, que se sont empressés de souligner lourdement les principaux sites complotist­es : il est marié à une femme politique israélienn­e. Et alors ? demanderez-vous. Alors, répondront-ils, c’est bien un signe, non ? Un signe de quoi ? Parmi les milliers de personnes présentes le soir du 14 juillet sur la promenade des Anglais, on trouve aussi des Nordistes en goguette, une classe allemande en voyage scolaire, des crêpiers bretons, des familles algérienne­s, un ex-militaire soviétique, des touristes roumains et bien d’autres. Curieuseme­nt, aucun des sites dont nous parlons n’a même daigné s’y intéresser. F. R.

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