“Une réponse à côté du problème !”
L’obsession des politiques et des intellectuels français pour le voile, cette focalisation sur le vêtement des femmes, ne connaît pas d’équivalent dans le monde occidental. Elle tient notamment à une conception très particulière de la République en France, une vision abstraite du citoyen, dans laquelle les différences ethniques, raciales et religieuses doivent être gommées au nom du principe d’égalité, mais aussi à un rapport particulier au corps des femmes, à la séduction. Nulle part ailleurs on ne rencontre cette crispation et ces lois punitives centrées sur leur vêtement. L’idée que la « laïcité », au nom de l’égalité entre les genres, exigerait l’interdiction du voile a de quoi surprendre lorsque l’on connaît un peu l’histoire de France et l’origine de cette notion. J’ajoute que cette exigence d’égalité a aussi de quoi surprendre dans un pays où la classe politique masculine est particulièrement peu encline à partager le pouvoir avec les femmes.
Peu importe que le burkini – soit dit en passant assez peu différent d’une combinaison pour nager, ne cachant pas le visage et peu le corps – soit un étendard, une forme de revendication, de prosélytisme religieux. Ce n’est certainement pas en s’en prenant aux femmes qui le portent que l’on résoudra quoi que ce soit. En quoi constituent-elles un danger pour la République ? Si l’on souhaite combattre le wahhabisme ou le salafisme, si l’on considère que ces mouvements constituent une menace, dans ce cas, il faut s’adresser à ceux qui en sont les tenants, des pays comme l’Arabie saoudite, notre « allié » depuis plusieurs décennies, et non aux femmes qui choisissent de porter cette tenue.
Lorsqu’une minorité, une communauté revendique son identité en affichant ses différences, comme cela fut le cas avec le mouvement des Noirs aux Etats-Unis pour l’égalité des droits civiques – à travers des slogans comme « Black is beautiful », le port de coupes afro –, il faut s’attaquer aux discriminations qui sont le fondement de cette revendication, et non à ses modes d’expression. Vouloir interdire le burkini, c’est répondre à côté du problème.