MUNICH OR NOT MUNICH ?
On n’a cessé de se demander si la débâcle de Munich était évitable. Très isolé, Winston Churchill avait été en 1938 le plus ardent avocat d’une « grande alliance » avec l’Union soviétique et les pays d’Europe orientale afin de dissuader Hitler. Il a rma par la suite que la guerre n’aurait pas été nécessaire avec une stratégie de dissuasion, plutôt que d’apaisement. Le Parti travailliste et beaucoup d’autres, à gauche, soutenaient cette idée de « grande alliance ». La méfiance profonde et la détestation de l’Union soviétique, amplifiée par les échos macabres des purges staliniennes, privaient cependant cette stratégie de toute chance de gagner le soutien des gouvernements britannique et français.
La perspective d’une « grande alliance » eût e ectivement été la meilleure solution pour dissuader Hitler. Sa concrétisation était une autre a aire. La position de l’Union soviétique était qu’elle ne s’acquitterait de ses obligations envers les Tchèques que si les Français donnaient l’exemple – ce qui ne risquait guère de se produire. Même si l’URSS avait agi, les Roumains et les Polonais n’auraient pas laissé les troupes soviétiques traverser leur sol. En revanche, les Roumains avaient indiqué qu’ils permettraient à l’aviation soviétique de survoler leur territoire. Celle-ci était en position de voler au secours de la Tchécoslovaquie si les Français s’engageaient, et il y eut bel et bien une mobilisation partielle de l’Armée rouge. Staline n’en demeura pas moins prudent tout au long de la crise, attendant de voir comment la situation évoluerait et redoutant de se trouver entraîné dans un choc de « puissances impérialistes ». Pour l’Allemagne, cette double menace de l’Est et de l’Ouest qu’aurait représentée la « grande alliance » ne devait jamais se concrétiser.
Cette « grande alliance » aurait également pu encourager l’opposition naissante en Allemagne. Un complot pour arrêter Hitler en cas d’attaque contre la Tchécoslovaquie avait pris forme au cours de l’été autour de responsables militaires et de hauts fonctionnaires des Affaires étrangères. Les accords de Munich ruinèrent toute chance d’un passage à l’acte. Il semble, cependant, que le complot n’aurait pas abouti. Mais on ne peut du moins pas exclure que si, contre l’avis des militaires, Hitler avait frappé la Tchécoslovaquie, provoquant la guerre tant redoutée sur deux fronts, il en serait sorti sensiblement a aibli, à défaut d’être renversé.
Quant à savoir si cela aurait évité une guerre générale à plus longue échéance, c’est impossible à dire. Le plus probable est que la guerre serait devenue inévitable à un moment ou à un autre. Mais c’eût été un conflit di érent, dans des circonstances di érentes. En fait, après Munich, la route de la guerre fut courte.