LES ÉTATS UNIS D’EUROPE
La Grande-Bretagne avait des intérêts nationaux très di érents. Les décideurs politiques londoniens ne voyaient que des désavantages à l’union douanière européenne – point de départ évident d’une future intégration – envisagée par le plan Marshall. Les hauts fonctionnaires pensaient qu’une « coopération économique à long terme avec l’Europe ne présentait aucun attrait ». Ils craignaient que cette initiative n’expose la Grande-Bretagne à une compétition économique préjudiciable, l’empêche d’adopter des mesures de reconstruction indépendantes sur son territoire, aggrave l’hémorragie de dollars et, de ce fait, la rende encore plus dépendante de l’aide des Etats-Unis. Et, surtout, les Britanniques considéraient que leurs intérêts nationaux résidaient dans les liens avec le Commonwealth et le renouveau du commerce mondial. Le diplomate américain William L. Clayton, un des personnages clés du plan Marshall, était près de la vérité quand il expliquait : « Le problème avec les Britanniques, c’est qu’ils s’accrochent à tout prix à l’espoir que d’une manière ou d’une autre, avec notre aide, ils pourront préserver leur empire et leur autorité sur lui. » La Grande-Bretagne, observa de son côté George Marshall, voulait « profiter pleinement du programme européen […] tout en s’obstinant à ne pas être un pays complètement européen ». Certains Etats plus petits suivirent le même chemin. Le projet américain d’intégration économique européenne était donc voué à l’échec. La coopération économique, ainsi que cela apparut au fur et à mesure, ne découlerait pas du plan Marshall mais du rapprochement franco-allemand ultérieur sur le charbon et l’acier de la Ruhr. Et la Grande-Bretagne ne s’y associerait pas.