Lavoine entre dans la danse
LES SOULIERS ROUGES, PAR MARC LAVOINE ET FABRICE ABOULKER (BARCLAY).
Souvent, Marc Lavoine (photo) surprend. Après un livre, « l’Homme qui ment », émouvant récit d’une enfance complexe, il revient à la chanson. Non pas avec un album traditionnel, mais avec un projet qu’il porte depuis dix ans avec Fabrice Aboulker, son complice compositeur des débuts à succès (« Pour une biguine avec toi », « Elle a les yeux revolver », et bien d’autres). Cette nouvelle aventure, une tragédie musicale en quinze actes, a pour titre « les Souliers rouges ». Une histoire de passions plus proche des « Chaussons rouges » (1948), le film de Michael Powell, que du conte d’Andersen (« les Souliers rouges », publié en 1880) dont le cinéaste britannique s’inspira. D’emblée, l’a che est séduisante. Elle réunit trois personnalités très di érentes de la scène musicale française : Béatrice Martin (alias Coeur de Pirate, photo) incarne la danseuse, Arthur H (photo) joue le chorégraphe et Marc Lavoine tient le rôle de l’auteur du livret. L’intrigue – l’histoire d’une ballerine déchirée entre sa passion pour la danse et l’amour – est un peu mince mais cela reste la seule chose à déplorer à l’écoute de ce disque conceptuel. Pour le reste, c’est-à-dire l’essentiel, on ne boude pas son plaisir en entendant ces trois timbres de voix se succéder en solo ou se donner la réplique en duo ou en trio. Sur des arrangements de violon d’un lyrisme de circonstance signés Valentine Duteil (la violoncelliste qui illumine notamment les concerts d’Alex Beaupain depuis des années), les voix se mettent au service de cette histoire de désir et de jalousie qui a pour décor unique la scène de l’Opéra. Béatrice Martin exprime avec le talent qu’on lui connaît la fragilité féminine enfantine, la candeur que l’on entend dans « Viens danser ». Arthur H incarne avec justesse la figure satanique du trio, notamment quand il entonne la puissante litanie intitulée « Je sais ». Quant à Marc Lavoine, il est cet homme amoureux qui attire tant la danseuse et menace, de fait, de la détourner d’un art qu’elle sait exigeant. Ce charme est palpable dans « Je l’attendais ». Au bout du compte, ce qui nous aura émus ce n’est pas tant le destin tragique de cette danseuse que cette succession de chansons portées par des voix judicieusement choisies.