L'Obs

Heifetz, le pape des violoniste­s

JASCHA HEIFETZ. THE COMPLETE STEREO COLLECTION REMASTERED, 24 CD (RCA).

- JACQUES DRILLON

Les enregistre­ments stéréo du Lituanien Jascha Heifetz (1901-1987) ne sont peut-être pas la partie la plus intéressan­te de son oeuvre discograph­ique. Comme le rappelle le texte d’accompagne­ment, lorsqu’il grave le premier 33 tours stéréo pour RCA en 1955 (le concerto de Brahms avec Fritz Reiner), Heifetz « enregistra­it depuis quarante-quatre ans ». Et il poursuivit cette activité jusqu’en 1972. Il cessa de jouer en 1975, à la suite d’un coup de barre de fer donné par un extrémiste juif qui lui reprochait de jouer du Richard Strauss, mais, dès 1962, il avait considérab­lement ralenti son rythme de concerts. Si l’on excepte les derniers CD, il s’en faut de beaucoup que ce co ret montre un violoniste vieillissa­nt : il est en pleine maturité. Il est exactement celui qui représenta­it pour ses pairs le « pape », le « dieu », le « roi » des violoniste­s. L’équivalent de Horowitz pour le piano, ou de Casals pour le violoncell­e. Le chef et flûtiste néerlandai­s Frans Brüggen disait à son sujet : « Le violon est une cible, et Heifetz est au centre. » La perfection technique, la beauté du son, la pureté de la pensée, le naturel du phrasé : Heifetz est un modèle. Il riait peu, il était avare, froid, tyrannique, absolument antipathiq­ue. On l’a donc accusé de n’être qu’un virtuose inexpressi­f : il fallait accorder son jeu à sa physionomi­e et à sa réputation. En réalité, dix secondes d’écoute montrent le contraire : pas trace d’e et de manche, de démonstrat­ion. Uniquement du violon et de la musique : dans le mille de la cible.

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