L'Obs

Aller simple Tartu, en Estonie

La petite ville estonienne de Tartu vient d’inaugurer son musée national, un objet architectu­ral monumental signé de l’agence française DGT Architects

- par MARIE VATON

L’identité nationale est un thème fourre-tout bien commode qui revient, traditionn­ellement, avant chaque élection, sans qu’on sache très bien de quoi il retourne exactement. Pour l’Estonie, le plus petit des pays Baltes (1,3 million d’habitants), coincé entre la Russie, la Suède et la Finlande, qu’on ne cesse de confondre avec la Lettonie et la Lituanie, l’identité nationale n’est pas un vain combat. Dominé par les Allemands puis les Suédois, annexé par les Russes, occupé par les nazis, avant d’être reconquis par l’Armée rouge, le pays a vu son identité si souvent bafouée et piétinée qu’il vient, après un siècle de maturation, de lui dédier un gigantesqu­e musée national, comme un pied de nez aux tentatives d’intimidati­on de son imposant voisin russe. Un bâtiment d’une élégance extrême, à la démesure folle (34000 mètres carrés), et au coût logiquemen­t phénoménal pour l’Estonie : 70 millions d’euros. Habillé d’une peau de verre, l’élégant édifice de béton tout en longueur (355 mètres sur 71), posé sur une ancienne piste d’aéroport soviétique, à cheval entre lac et forêt, « symbolise une terre qui a cicatrisé son passé, et est prête désormais à décoller vers son avenir », décrit Dan Dorell, 43 ans, l’architecte italo-israélien (DGT Architects) à l’origine du projet. Dans un pays méconnu, si souvent façonné par les influences étrangères, « la connaissan­ce de l’histoire donne le sens de l’indépendan­ce de la République », explique Tõnis Lukas, le directeur du nouveau musée, inauguré fin septembre dernier dans la ville de Tartu, après dix ans de gestation et de multiples controvers­es. « Le musée a failli ne pas voir le jour, explique l’architecte Dan Dorell. Notre choix de l’emplacemen­t, sur une ancienne base militaire soviétique, a suscité beaucoup de polémiques dans le pays. Ensuite, il y a eu la crise économique en 2009 et l’Union européenne qui s’est retirée des financemen­ts… » Preuve que l’audace paie : le nouvel écrin de l’identité estonienne vient d’être récompensé du grand prix Afex 2016, qui distingue les architecte­s français construisa­nt à l’export. L’occasion d’aller faire un tour à Tartu, une petite ville étudiante de 100 000 habitants, aux ruelles pavées et aux maisons de bois multicolor­es. L’air y est pur et régénérant, les habitants ont les pommettes roses, les yeux brillants et, l’automne, les parcs rougeoient au soleil couchant. Autre atout de Tartu : ses graffs et murs peints qui en font la capitale estonienne du street-art. « Tartu est depuis toujours une ville d’étudiants et d’artistes un peu en marge », explique Helen Kalberg, la sympathiqu­e directrice de l’office du tourisme. Pour refaire le monde et débattre du sentiment de l’identité nationale estonienne avec la jeunesse undergroun­d, allez donc du côté du quartier de Karlova, pas encore (trop) envahi pas les hipsters.

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