Le regard de Guillaume Klossa. Le dessin de Wiaz
Poussée du populisme, tentation nationaliste, progression des partis xénophobes… L’Europe est gangrenée par une forme accélérée de délitement démocratique qui se traduit par une incapacité grandissante de ses dirigeants à se projeter et agir ensemble. Cette impuissance, due pour partie à la mondialisation, a été longtemps niée ; elle est pourtant bien réelle. Les gouvernements font face à des défis tels que l’ubérisation de nos économies, le terrorisme, les migrations, le réchauffement climatique, l’instabilité du système financier mondial, autant de problématiques qui ne peuvent être résolues dans un cadre national trop étroit. Le paradoxe est que nos chefs d’Etat sont bien conscients que la réponse se trouve souvent au niveau européen. Or, faute d’élections vraiment transnationales et de mouvements civiques plurinationaux, ils ne se sentent pas légitimes pour apporter des solutions collectives efficaces et ambitieuses. Ils bricolent alors des réponses pays par pays, qui ne sont en fait que des rustines inadaptées aux enjeux. Cette inefficacité crée un cercle vicieux dangereux : plus le pouvoir veut donner le sentiment d’agir, plus il prend des mesures symboliques sans effet, plus la méfiance croît, et plus nos leaders hésitent à prendre des risques. C’est ce cercle qu’il est urgent de rompre.
Pour autant, rien n’est perdu. Partout sur le continent, des femmes et des hommes de bonne volonté, souvent soutenus par des élus intègres, tentent d’agir. Partout des initiatives de réappropriation de la démocratie se développent avec succès : le G1000 en Belgique et aux Pays-Bas, la convention constitutionnelle en Irlande, le Bleu Blanc Zèbre d’Alexandre Jardin ou les conventions civiques du Mouvement du 9 Mai pour réinventer l’Europe… Ces projets délibératifs ne visent pas à se substituer à la démocratie parlementaire, mais à la compléter en associant les citoyens de manière continue à la vie publique. Jamais, en effet, la volonté de participer activement à la construction d’un avenir commun n’a été si forte. Les peuples ne se satisfont plus d’être uniquement consultés à l’occasion d’élections ou de référendums. Ils veulent plus.
C’est pourquoi, avec des acteurs engagés de la société civile, de la politique ou du syndicalisme, comme, en France, Cynthia Fleury, Cédric Villani, Michel Barnier ou Dany Cohn-Bendit, nous avons lancé au printemps un appel. Il ambitionne de mobiliser tous les citoyens qui souhaitent réinventer l’Europe et en faire une grande puissance démocratique, culturelle, écologique et sociale. Nous avons proposé six orientations stratégiques pour améliorer la vie de nos concitoyens. Des milliers d’Européennes et d’Européens nous ont déjà rejoints, et nous invitons toutes celles et tous ceux engagés dans la transformation de la société à faire de même. Notre conviction est que les solutions viendront d’un dialogue constructif entre les leaders politiques et la société civile. Reste à se rassembler et à se doter de structures permettant de fédérer toutes les énergies positives. Aujourd’hui, ces dernières ne parviennent pas à se faire entendre, faute d’un collectif qui porte leur parole. Le moment est venu de créer un vrai mouvement civique européen.
“LES CHEFS D’ÉTAT BRICOLENT DES RUSTINES INADAPTÉES AUX ENJEUX.”