Où va la French touch?
WOMAN, PAR JUSTICE (ED BANGER/BECAUSE, SORTIE LE 18 NOVEMBRE). ALL WET, PAR MR OIZO (ED BANGER/BECAUSE).
Comment vieillir quand on a fait partie de la French touch? Comment survivre à la hype de cette nouvelle vague de l’électro? Bref, comment durer lorsqu’on approche de la quarantaine et que l’on a incarné cette révolution de jeunes bidouilleurs de studio, nonmusiciens pour la plupart ? Les nouveaux albums de Justice et Mr Oizo apportent deux réponses diamétralement opposées et mollement convaincantes à ces questions. Les premiers, les Daft Punk de la seconde génération, avaient explosé en 2007 avec « », un premier album déflagrateur, grand péplum pour dance floor fabriqué à coups de rythmiques heavy metal et de sons quasi industriels. Leur troisième LP, « Woman », vise une synth pop plus mainstream, volontiers suave et passe-partout, les choeurs soul et enfantins qui faisaient la fraîcheur de leur tube « D.A.N.C.E. » virant ici à la citation facile (« Safe and Sound »). Sympatoches, les chansons ne valent pas les instrumentaux, ces morceaux pour films imaginaires qui nous rappellent que Gaspard Augé et Xavier de Rosnay sont moins des songwriters que des ambianceurs et architectes sonores : le moroderien « Alakazam ! », « Chorus » avec son côté B.O. pour train fantôme, et « Heavy Metal » qui, il y a quelques années, aurait fini dans un giallo de Dario Argento.
Au contraire de Justice, c’est son refus quasi systématique de pondre des morceaux, et plus encore des tubes, qui caractérise Mr Oizo, alias Quentin Dupieux, en particulier sur « All Wet », son nouvel album, dont la plupart des titres ne dépassent pas les deux minutes. Si Dupieux vante l’amateurisme bricolo dans tout ce qu’il fait, il se considère cinéaste (il l’a prouvé, de « Rubber » à « Réalité »), mais pas musicien. Il a néanmoins inventé un son unique, une sorte de funk électronique à base de samples syncopés et de gimmicks entêtants, déclinables à toutes les sauces (du hip-hop – « Freezing Out » avec Peaches – à la variété italienne – l’exquis mais trop court « No Tony »). Dommage qu’en fils spirituel de Guy Debord et Richard Gotainer il n’en fasse pas plus souvent autre chose que de simples jingles régressifs.