L'Obs

Où va la French touch?

WOMAN, PAR JUSTICE (ED BANGER/BECAUSE, SORTIE LE 18 NOVEMBRE). ALL WET, PAR MR OIZO (ED BANGER/BECAUSE).

- NICOLAS SCHALLER

Comment vieillir quand on a fait partie de la French touch? Comment survivre à la hype de cette nouvelle vague de l’électro? Bref, comment durer lorsqu’on approche de la quarantain­e et que l’on a incarné cette révolution de jeunes bidouilleu­rs de studio, nonmusicie­ns pour la plupart ? Les nouveaux albums de Justice et Mr Oizo apportent deux réponses diamétrale­ment opposées et mollement convaincan­tes à ces questions. Les premiers, les Daft Punk de la seconde génération, avaient explosé en 2007 avec « », un premier album déflagrate­ur, grand péplum pour dance floor fabriqué à coups de rythmiques heavy metal et de sons quasi industriel­s. Leur troisième LP, « Woman », vise une synth pop plus mainstream, volontiers suave et passe-partout, les choeurs soul et enfantins qui faisaient la fraîcheur de leur tube « D.A.N.C.E. » virant ici à la citation facile (« Safe and Sound »). Sympatoche­s, les chansons ne valent pas les instrument­aux, ces morceaux pour films imaginaire­s qui nous rappellent que Gaspard Augé et Xavier de Rosnay sont moins des songwriter­s que des ambianceur­s et architecte­s sonores : le moroderien « Alakazam ! », « Chorus » avec son côté B.O. pour train fantôme, et « Heavy Metal » qui, il y a quelques années, aurait fini dans un giallo de Dario Argento.

Au contraire de Justice, c’est son refus quasi systématiq­ue de pondre des morceaux, et plus encore des tubes, qui caractéris­e Mr Oizo, alias Quentin Dupieux, en particulie­r sur « All Wet », son nouvel album, dont la plupart des titres ne dépassent pas les deux minutes. Si Dupieux vante l’amateurism­e bricolo dans tout ce qu’il fait, il se considère cinéaste (il l’a prouvé, de « Rubber » à « Réalité »), mais pas musicien. Il a néanmoins inventé un son unique, une sorte de funk électroniq­ue à base de samples syncopés et de gimmicks entêtants, déclinable­s à toutes les sauces (du hip-hop – « Freezing Out » avec Peaches – à la variété italienne – l’exquis mais trop court « No Tony »). Dommage qu’en fils spirituel de Guy Debord et Richard Gotainer il n’en fasse pas plus souvent autre chose que de simples jingles régressifs.

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Gaspard Augé (Justice).
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Quentin Dupieux (Mr Oizo).

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