HOLLANDE PRIS À CONTRE-PIED
Le chef de l’Etat avait tout envisagé, sauf une candidature de Fillon… Elle libère de l’espace à gauche, veulent croire certains de ses proches. Elle condamne les chances du président, craignent les autres. Une chose est sûre : il doit revoir sa stratégie
Ses capteurs le laissaient envisager dès dimanche après-midi. Des remontées de province, l’analyse de la forte participation, des amis de gauche qui sont allés voter, des saynètes impressionnistes qui seront vite confortées par les sondages de sortie des urnes : avant même la soirée, François Hollande comprend que Nicolas Sarkozy sera éliminé au premier tour de la primaire. Depuis son arrivée à l’Elysée, le chef de l’Etat était certain que l’ancien président serait son adversaire en 2017. Fillon, avait-il confié, le 11 mai dernier, aux journalistes Gérard Davet et Fabrice Lhomme (1), n’avait « aucune chance ». Sarkozy restait son meilleur ennemi, celui qu’il a déjà battu, celui qu’il croit le plus facile à battre.
Quand il comprend qu’il ne l’affrontera pas s’il se représentait, François Hollande fait donc contre mauvaise fortune bon coeur. « Un favori est écarté, une candidature qui n’était pas prévue s’est imposée », confie à des proches celui qui se vit comme l’outsider de la prochaine présidentielle. Quant au fiasco des sondages, il est évidemment interprété comme une divine surprise par ce président que toutes les enquêtes d’opinion ont déjà enterré. Si on peut se tromper à ce point, tous les espoirs sont permis…
Dimanche dernier, François Hollande se félicitait en tout cas du calendrier qu’il a arrêté voilà déjà plusieurs mois : cette première quinzaine de décembre à laquelle il s’accroche, contre tous ceux qui le pressent d’accélérer sa probable entrée en campagne. « Je n’ai pas choisi cette date par hasard. Je pensais qu’il était utile d’avoir un éclaircissement », raconte-t-il à des proches. Même si François Hollande, depuis plusieurs semaines, cogne contre ce qu’il appelle « le programme commun » très libéral de la droite, ses arguments s’affineront en fonction du vainqueur. « C’est un vote de droite pour la droite. » C’est ainsi qu’un intime du président analyse la victoire désormais annoncée de François Fillon.
Autour de lui, certains voient des avantages à ce nouvel adversaire : « Sur le fond, il est pire que Sarkozy. Il est hyperlibéral. C’est la ligne dure de la droite très dure. Il ouvre donc un vrai espace à la gauche, à condition qu’elle sache se rassembler », veut croire un parlementaire hollandais. Le patron du PS, Jean-Christophe Cambadélis, analyse les points positifs pour son camp : « Cela rouvre le jeu à gauche. On nous annonçait la victoire de Juppé, présenté comme un homme d’Etat à l’équilibre, nous avons un ultra ! Fillon est clairement un anti68 sociétal et il promet une purge libérale. Ce n’est pas un vote antisystème. C’est au contraire la volonté de le rétablir. Cette vague conservatrice oblige la gauche. Et la forte mobilisation rend caduc l’argument antiprimaire de Macron et de Mélenchon. Bref, cette quasi-désignation rouvre les possibles. »
Un poids lourd de la majorité est bien moins optimiste : « Fillon est pour nous l’adversaire le plus difficile. Il apparaît comme nouveau, propre sur lui. Il est pour la droite le meilleur véhicule pour en finir avec nous. Il nous renvoie à nos faiblesses. Ceux qui ont voté pour lui disent : “Il fait président” et “au moins, il sait ce qu’il veut”. » Fillon, l’anti-Hollande ? C’est bien le piège pour ce président de la République décrié par le peuple de gauche. D’autant que le vent souffle fort contre celles et ceux qui sont tenus pour responsables de l’échec de leur camp. « Dans la primaire de la droite, on a bien senti que la volonté de sortir quelqu’un est un puissant facteur de mobilisation. Hollande est déjà cabossé, il peut en sortir en lambeaux. La gauche est allée voter à la primaire de la droite pour sortir Sarko, pourquoi la droite ne viendrait pas à celle de la gauche pour sortir Hollande? » se demande à voix haute un dirigeant de la majorité. (1) « Un président ne devrait pas dire ça… », Ed. Stock.
FILLON, DISAIT ENCORE EN MAI LE PRÉSIDENT, “N’AVAIT AUCUNE CHANCE”. SARKOZY RESTAIT SON MEILLEUR ENNEMI…