L'Obs

L’opinion de Matthieu Croissande­au

- Par MATTHIEU CROISSANDE­AU M. C.

Le massacre du Temple solaire ? Le naufrage du « Titanic » ? La Septième Compagnie ? Voilà des semaines que le destin du Parti socialiste balance entre le grotesque et le tragique. De petites phrases en rodomontad­es, le scénario s’écrit au fil des jours, inexorable­ment. Il ressemble de plus en plus à ces mauvais films dont on connaît la fin. La seule inconnue qui demeure est de savoir combien de spectateur­s seront restés dans la salle, lorsqu’on aura rallumé les lumières, après le générique.

Depuis le week-end dernier, la droite se rassemble derrière son nouveau champion. Le Front national, de son côté, poursuit sa campagne à bas bruit. Mais pendant ce temps-là, la gauche continue de s’éparpiller façon puzzle. Jusqu’à l’absurde. Les deux têtes de l’exécutif n’ont rien trouvé de mieux à faire que de se défier sous les ors de la République pour savoir qui aura l’honneur de défendre un bilan que la plupart des Français renient. Dans ce climat de chaos et de confusion, chacun se sent autorisé à faire n’importe quoi. Après Jean-Luc Bennahmias, Gérard Filoche ou François de Rugy, voilà donc que la radicale de gauche Sylvia Pinel se sent pousser des ailes… C’est dire !

La déclaratio­n de candidatur­e de François Hollande à sa succession ne changera rien. Le président de la République ne dispose plus des ressorts suffisants pour calmer le désordre. En un quinquenna­t, il a cumulé une défaite tactique et une défaite idéologiqu­e. La première marque la fin d’un système, celui de la synthèse à tout prix. Pendant cinq ans, il a ménagé toutes les sensibilit­és du Parti socialiste, offert des strapontin­s à toutes les composante­s de ce qu’il croyait être sa majorité. Las, ses habiletés lui explosent aujourd’hui à la figure. A défaut d’un programme commun pour faire l’union de la gauche, comme dans les années 1970, il lui a manqué une autorité incontesté­e pour tenir sa majorité plurielle, comme le fit Lionel Jospin dans les années 1990.

Plus embêtant, ce quinquenna­t marque aussi une défaite idéologiqu­e. A l’inverse de la droite, François Hollande ne sera pas parvenu à réarmer la gauche. Faute de travail en amont, mais aussi en raison d’un contexte difficile, le chef de l’Etat a géré plus qu’il n’a gouverné. Son bilan est loin d’être aussi affreux qu’on ne le dit. Mais personne aujourd’hui n’est en mesure d’en distinguer les résultats ou le sens. Au-delà du problème d’incarnatio­n de la fonction présidenti­elle, François Hollande risque donc d’avoir bien du mal à convaincre les Français de lui redonner sa chance.

Plus largement, et quel que soit le vainqueur de la primaire de la gauche, c’est bien l’écrasement du PS qui se dessine. La première mâchoire de l’étau se nomme Emmanuel Macron, qui menace de siphonner une grande partie de la gauche réformiste. La seconde s’appelle Jean-Luc Mélenchon qui propose à la gauche plus radicale, une autre forme d’alternativ­e. Nous avons choisi cette semaine de donner la parole à ce dernier, comme nous l’avons fait et comme nous le ferons avec tous les grands acteurs de la vie politique. Les relations du candidat de La France insoumise avec notre journal ont parfois été compliquée­s, voire inutilemen­t agressives. Mais il nous paraît important d’apporter sa contributi­on au débat démocratiq­ue à la veille d’une vaste recomposit­ion de la gauche. Bonne lecture !

LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE NE DISPOSE PLUS DES RESSORTS SUFFISANTS POUR CALMER LE DÉSORDRE.

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