Patrick Stefanini
Cet énarque qui veille aux destinées du parti gaulliste depuis vingt ans est l’un des principaux artisans de la victoire de François Fillon à la primaire
1 STRATÈGE
Cet ancien préfet de la région Aquitaine occupe aujourd’hui une place stratégique dans l’équipe Fillon, dont il a dirigé la campagne pour la primaire. Il sera directeur général du parti Les Républicains en remplacement du très sarkozyste Frédéric Péchenard. Avec son crâne lisse, sa pâleur souvent teintée de rose, ses petites lunettes cerclées d’or et sa mise ultraclassique, Patrick Stefanini a tout du haut fonctionnaire type… Mais, comme Alain Juppé, qui fut longtemps son seul maître avec Jacques Chirac, cet énarque est à la fois un rationnel et un sanguin. Il a la politique chevillée au corps.
2 SENS COMMUN
Avant l’été 2016, Stefanini avait pris contact avec les jeunes responsables du mouvement Sens commun, émanation de la Manif pour tous, et organisé l’éviction de leur président sarkozyste au profit d’un jeune filloniste. Un mini-putsch mené en toute discrétion, mais qui n’a pas échappé aux milliers de manifestants de la Manif pour tous. Ce ralliement à Fillon aura sans doute été déterminant dans la campagne de l’ancien Premier ministre de Sarkozy.
3 BOÎTAGE
C’est encore à Stefanini que le programme de Fillon doit d’avoir été présent dans toutes les boîtes aux lettres. Les autres candidats ont ignoré – à tort? – cette méthode jugée vieillotte.
4 SAVOIE
Né à Bourg-en-Bresse, ce « Corse défroqué » est un vrai Savoyard, élevé à Chambéry par une mère au foyer, flamande et catholique pratiquante, et un père, pneumologue, devenu sur le tard adjoint au maire de Chambéry. Quand il était scout, le jeune Patrick se repassait les discours de De Gaulle, mais il se définit aujourd’hui comme un « modéré ».
5 FILLON
Dès l’automne 2013, Stefanini met sur pied Force républicaine, le parti de François Fillon, dont il devient le secrétaire général, et anime ses réseaux. Il découvre alors que son nouveau patron aime à s’échapper de temps à autre sans plus de précisions, qu’il cultive un goût immodéré pour le secret et qu’il fuit les journalistes… « Intellectuellement séduit » par l’ancien Premier ministre de Sarkozy, ravi de pouvoir « travailler le fond des dossiers » et pas seulement l’organisation, « Stef » veut alors le voir plus offensif. Il a fini par être exaucé.
6 ACTION
Carré, parfois brutal, Stefanini n’a pas froid aux yeux. Quand il faut dire les choses en face, il s’y colle. Quand il expose un problème, tout y est : le fond, la forme, l’objectif, la stratégie, les moyens. Avec, souvent en prime, l’anecdote ou le détail qui tue. Car cet ancien préfet, qui passe la plupart de ses vacances à visiter les capitales de l’Europe ou à marcher en montagne, a le sens de l’humour.
7 SARKOZY
Quand Nicolas Sarkozy apprend, au printemps 2013, que Patrick Stefanini a été sollicité par François Fillon, il hurle à la trahison de celui qu’il avait promu secrétaire général du ministère de l’Immigration au début de son quinquennat. Après quoi il le convie dans son bureau, rue de Miromesnil. Trois quarts d’heure de tête-à-tête pendant lequel il tente de faire renoncer son interlocuteur. « Tu as travaillé pour le chef, tu ne peux quand même pas travailler pour le sous-chef! » lui
lance-t-il. Trop tard. Stefanini a déjà accepté d’oeuvrer pour Fillon. Et il n’est pas du genre à revenir sur sa parole…
8 CHIRAC
Passé par le cabinet de Robert Pandraud, ministre délégué chargé de la Sécurité, il devient directeur de cabinet de Juppé au RPR en 1992. Deux ans plus tard, Stefanini accompagne Jacques Chirac, alors maire de Paris, au Japon. C’est là-bas, à la fin du mois d’octobre 1994, quelques jours avant sa déclaration de candidature, que Chirac lui demande de diriger sa campagne présidentielle : « Vous ne vous consacrez qu’à ça », lui dit-il.
9 CONDAMNATION
Condamné comme Juppé par le tribunal correctionnel de Nanterre en janvier 2004, il démissionne lui aussi de toutes ses fonctions électives et politiques. De cette épreuve commune est née entre les deux hommes ce que Juppé qualifie de « relation particulière », et Stefanini, d’« acte fondateur ». Un lien qui dépasse largement leur longue collaboration à Matignon, au RPR, à l’UMP ou en Aquitaine, quand Stefanini était préfet de région en 2011.
10 JUPPÉ
Entre Juppé et Stefanini, une double méprise s’est jouée au printemps 2013. Le premier, qui n’a évidemment pas renoncé à l’Elysée, s’interdit de demander au second de rester en réserve pour ne pas le bloquer inutilement au cas où les circonstances ne lui seraient pas favorables. Mais il est aussi secrètement vexé que son vassal envisage de travailler pour un autre… Lorsque Juppé se déclarera candidat à la primaire de la droite, chacun des deux hommes se dira « bien emmerdé ». Mais il sera trop tard. Dimanche 20 novembre, à l’issue du premier tour de la primaire de la droite, Stefanini était partagé entre sa joie pour « François » et sa tristesse pour « Alain ».