Lalo Schifrin, saison 1
THE SOUND OF LALO SCHIFRIN, PAR LALO SCHIFRIN (5 CD, DECCA).
Ses thèmes mythiques pour « Mission impossible », « Opération Dragon » ou « The Fox » (mais si, l’air des pubs pour les collants Dim) sont les arbres imposants qui cachent la forêt exotique qu’est l’oeuvre de Lalo Schifrin. Il suffit pour s’en convaincre de se balader au sein de ce coffret de 5 CD (concocté par le précieux « BOphile » Stéphane Lerouge), sans cesse surprenant par ses influences cosmopolites. Y est privilégiée la période 1964-1971, celle où Schifrin signe ses compositions les plus emblématiques. Son jazz sixties s’y colore tour à tour de rythmes bossa-nova, de sonorités indiennes, de cordes arabisantes, de pulsations funky, d’ambiance calypso voire de teintes électroniques. Originaire de Buenos Aires, Schifrin naît dans une famille de musiciens et reçoit une formation classique. Adolescent, il craque pour le be-bop de Monk et Parker dont il se procure clandestinement les disques, interdits sous la dictature argentine, avant d’étudier auprès d’Olivier Messiaen au Conservatoire de Paris. C’est Dizzie Gillespie qui, le premier, le prend sous son aile en l’engageant comme pianiste et arrangeur.
De cette multitude d’influences, il tire son goût pour les métissages et un antisnobisme qui ne le met jamais à l’abri de pondre un chef-d’oeuvre, même lorsqu’il s’attelle à un morceau d’ambiance pour une série télé – voir le groovissime « Jim on the Move », tiré d’un épisode de « Mission impossible » et samplé par les Wiseguys pour leur hymne dancefloor de 1998, « Ooh la la ». Schifrin ne s’est pas contenté de mettre son brio au service des autres, et de Hollywood en particulier. Il a aussi conçu ses propres disques. De ses trois albums concepts ressuscités ici, on préférera le foisonnant « There’s a Whole Lalo Schifrin Goin’ On » à « Schifrin/Sade », mariage de jazz et de musique de chambre en l’honneur du Divin Marquis, et « Rock Requiem », hommage psyché affreusement daté aux victimes de la guerre du Vietnam. Disons-le, c’est dans la commande que Schifrin se montre le meilleur. En témoigne le remarquable concert donné au Grand Rex en 2007 sous sa direction au cours duquel s’enchaînent ses plus célèbres BO – citons aussi « l’Inspecteur Harry », « Bullitt » et « le Kid de Cincinnati ». Pas une n’a vieilli. Contrairement à leur auteur qui, à 84 ans, vient probablement d’effectuer sa dernière visite à Paris pour l’hommage que lui a rendu la Cinémathèque début novembre.