Le cognac à toutes les sauces
Boire du cognac en mangeant? C’est le pari du chef Tomy Gousset et du sommelier Micaël Morais, qui nous livrent leurs secrets pour marier pousse-café et plats de fête
Comment vous êtes-vous intéressés aux associations avec le cognac?
Micaël Morais Mes origines portugaises m’ont naturellement conduit à m’intéresser au porto. L’année dernière, j’ai participé au concours Master of Port jusqu’en demi-finale. Je retrouve le même intérêt avec le cognac, même si, fondamentalement, ce sont deux types d’alcool différents. Je trouve que la palette gustative des cognacs est très intéressante par rapport aux vins. Il faut tenir compte de la puissance et d’une acidité beaucoup plus marquée. Le jeu des températures de service est encore plus poussé avec les cognacs. Tomy Gousset En 2012, j’ai été lauréat du Cognac de la révélation de l’année, dans le cadre des Gastronomades qui se déroulent chaque année à Angoulême. Le Bureau national interprofessionnel du Cognac est partenaire de ce prix et j’ai pu être en contact avec les acteurs de cette filière.
Comment travaillez-vous pour créer les accords?
M. M. En fonction des différentes catégories de cognac, il existe des palettes aromatiques différentes. Les VS [au moins 2 ans d’âge] et VSOP [au moins 4 ans], plus jeunes, doivent être servis plus frais tandis qu’un XO [au moins 10 ans] sera servi à température afin d’affirmer le côté marqué de l’eau-de-vie. Comme je connais bien la cuisine de Tomy, j’évoque la
palette aromatique des cognacs et lui suggère des ingrédients. Certains d’entre eux exhalent l’odeur de la terre qu’il est intéressant de souligner avec des légumes comme la betterave ou le radis. L’acidité du cognac peut se marier avec certains fruits comme la grenade ou les agrumes, ou bien encore avec des légumes travaillés en pickles. Nous construisons le plat avec une composition d’ingrédients où chacun apportera sa touche à l’équilibre.
Pouvez-vous me donner des exemples d’accords avec un cognac VS que vous avez déjà réalisés?
T. G. Cela peut être une truite fumée accompagnée d’une glace au cognac, de navets marinés en pickles et une touche de caviar. Ou bien un maquereau mariné en saumure grillé au chalumeau avec des copeaux de betterave et de radis et de la poutargue râpée.
Avec un cognac VSOP?
M. M. Je pense à un foie gras poêlé accompagné de raisins confits en pickles. Le moelleux du plat sera bien équilibré avec l’acidité du cognac. T. G. Cela se marie également bien avec du fromage : un ossau-iraty et sa confiture de cerises et une pointe de piment d’Espelette. Et pour le XO? T. G. J’opte pour une viande goûteuse comme le gibier. Par exemple, une épaule de chevreuil confite pendant sept heures qu’on roule ensuite en boudin et qu’on snacke au dernier moment. Elle est servie avec une sauce proche de celle du lièvre à la royale à laquelle j’ajoute un peu de cacao à 65% et une pointe de cognac. Je l’accompagne d’une cassolette de purée de pommes de terre. M. M. On peut également imaginer marier un XO avec des fromages puissants.
Si le XO est bu au dessert, on est forcément sur du chocolat?
T. G. Surtout pas ! Cela alourdirait trop la bouche. Il faut quelque chose de plus subtil, qui vienne réveiller les papilles. Je pense à une glace aux coings pour la générosité et les saveurs miellées de ce fruit qu’on peut retrouver dans le cognac. Mais il faut l’accompagner d’une espuma de citron vert, qui va apporter un véritable équilibre, et de croustillant et de gourmandise avec un financier en couche très fine.